Célèbre pour ses dons de conteur, fréquentant tous les cercles importants de son époque et divers milieux épicuriens, probablement libertin, après 1661, sa vie fut assombrie par la faillite de la banque familiale et les procès qui s’en suivirent.
Mais, plus que tout, sa famille se déchira à cause des questions religieuses. Sa femme, convertit au catholicisme, se sépara de lui et se retira dans un couvent. Témoin de la persécution contre les Huguenots, il abjura peu avant la révocation de l’Edit de Nantes (1684) qui accentua ce déchirement familial.
Mais pourquoi son œuvre, certes limitée aux Historiettes mais qui possède un art maîtrisé du discours oral avec toute sa vivacité, une technique sûre du portait en quelques lignes, une science parfaite du détail signifiant, et le jugement pertinent d’un observateur détaché, fut-elle sous estimée ?
Piquant comme Mme de Sévigné, moraliste sceptique comme La Rochefoucauld ou critique averti comme Saint-Evremond, Tallemant n’en subit pas moins de plein fouet sa position sociale particulière. Sa fortune l’ayant mis à l’abri du clientélisme, il traversa tous les milieux sans s’inféoder à aucun. Hors du contrôle des instances académiques ou de la censure d’un mécène, il est plus considéré comme un auteur d’informations anecdotiques sur son siècle que d’une véritable œuvre littéraire.
Il est vrai que cet ami de Voiture et de Patru, plutôt discret et sans prétention, destinait davantage ses écrits à un cercle restreint qu’au grand public. Quand on les redécouvrit en 1834, leur réalisme satirique correspondait si peu à l’idée que l’on se faisait du Grand Siècle que leur version, pourtant expurgée, provoqua le scandale.
Par la suite, de grands auteurs des 19ème et 20ème siècles lui rendirent justice et, depuis, il appartient au cercle prestigieux des auteurs publiés par la Pléiade .
Nul doute que la férocité et l’exactitude de sa description des milieux parisiens sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV (mais aussi d’Henri IV) valaient bien de remettre le personnage en lumière, au moins le temps de cet article.
Ironie de l’histoire, son frère, l’abbé François Tallemant (1620-1693), et son cousin, Paul Tallemant (1642-1712), qui ne pouvaient prétendre à son talent, furent tous deux élus à l’Académie française. Qu'importe, car Gédéon n’avait jamais beaucoup aimé les académistes, "gens vaniteux, opiniâtres dans leurs idées et dont beaucoup ignoraient l'art d'écrire".
Vieillissant, il craignait les surprises de l'avenir et employa les derniers temps de sa vie à augmenter ses revenus par des placements avantageux.Quand la maladie s'empara de lui, elle ne le quitta plus jusqu’à l’emporter alors qu’il préparait des Mémoires de la Régence.
Gédéon Tallemant des Réaux fut inhumé au cimetière Saint-Joseph où devaient le rejoindre sa femme, puis sa fille Anne-Elisabeth. On ne peut savoir combien de temps sa tombe resta visible. Quant à ce qu’il pouvait rester de ses cendres presqu’un siècle plus tard, soit elles restèrent sur place après la disparition du cimetière, soit elles furent transférées aux Catacombes en 1787.
Extrait du registre des décès de la paroisse Saint-Eustache de Paris, pour l’année 1692 :
« Du dit jour, mardi, onzième novembre, défunt messire Gédéon, Tallemant, seigneur des Réaux, demeurant rue Neuve-Saint-Augustin, décédé du dix du présent mois, a été inhumé au cimetière de Saint-Joseph. Signé l’abbé Tallemant. avec paraphe, Tallemant. »