Voulant tenter une carrière littéraire, il rejoignit son frère à Paris où, désargenté, il mena la vie de bohème. A la place de la de célébrité espérée, la fréquentation des dames des salons littéraires lui valut de contracter une grave affection syphilitique dont les complications l’handicapèrent toute sa vie.
Après l’éphémère succès mondain de son recueil Les Amoureuses (1858), et des chroniques publiées dans des journaux, il tenta vainement la gloire lucrative au théâtre. Alors qu’il sombrait dans une situation des plus précaires, par relation, il devint le secrétaire du duc de Morny, sinécure qui lui assura au moins la vie matérielle.
Sa santé ayant rendu nécessaires des séjours au soleil, il se rendit dans le Midi qui lui inspira des chroniques provençales, lesquelles, remaniées et regroupées, donnèrent naissance à ses fameuses Lettres de mon moulin (1869). Un voyage en Algérie fut transposé dans une trilogie, dont le célèbre volume, Tartarin de Tarascon (1885).
En dépit d’un début de notoriété, l’échec retentissant de L’Arlésienne (1872), sur une musique de Bizet, et inspirée du suicide d'un neveu de son ami Mistral - qui n’apprécia guère cette publication-, suivi du relatif insuccès des Contes du lundi (1873) faillirent le détourner de sa carrière littéraire. Etonnamment, ce ne sont pas les œuvres que nous avons de nos jours spontanément en mémoire qu’honorèrent ses contemporains. Qui se souvient de son premier roman parisien, Fromont jeune et Risler aîné (1874), qui marqua pourtant le début de son vrai succès ?
Lu d’une façon restrictive, enfermé dans une image d’auteur provençal facile, le conteur des Lettres de mon moulin éclipsa le romancier. Amoureux de la modernité, sensible à l’air du temps, il fut souvent un précurseur dans le choix de ses sujets. Il excella dans la mise à nu d’une société fondée sur l’illusion et le mensonge ; le petit peuple et le Midi, cher à son enfance, restèrent ses sources d’inspirations les plus fécondes.
La poésie des Lettres de mon moulin, le lyrisme du Petit Chose, le burlesque de Tartarin, le réalisme puissant de Jack (1876) ou Sapho (1884) attestent la diversité d’un talent fait d’émotion et de fantaisie, mais aussi de dons remarquables d’observateur.
En revanche, on ne saurait passer sous silence son antisémitisme notoire.
Alphonse Daudet décéda en pleine gloire, mais aussi en pleine affaire Dreyfus, en ayant eu le temps d'afficher des convictions antidreyfusardes. Ses obsèques réunirent une foule considérable. Quelle étrange association que le dreyfusard Emile Zola et le fondateur de la Ligue nationale antisémitique de France, Edouard Drumont, menant le cortège funèbre, tenant chacun le drap mortuaire recouvrant le cercueil. Malgré les opinions qui l’opposaient à son ami, Zola prononça un discours ému et lui consacra plusieurs articles élogieux.
Alphonse Daudet, mort à Paris, ne rejoignit pas sa Provence natale et chérie, mais fut inhumé au cimetière du Père Lachaise où sa tombe n’est pas facile à trouver. Appuyé discrètement sur l’un des angles arrière de sa chapelle, seul le monument orné d’un médaillon, œuvre d’Alexandre Falguière, permet de la repérer du chemin... à condition d’être attentif.