Il aurait pu y être oublié, si le succès des pièces de Voltaire, qui se posait comme son rival, n’avait pas attiré l’attention sur lui. Elu à l’Académie française (1731), nommé censeur de la librairie, son indifférence au courant philosophique et son monarchisme passionné firent bientôt de lui un protégé de la cour. Il se croyait l’héritier de Racine, mais marqua davantage la fin de la tragédie classique en confondant violence et grandeur, et en substituant à la simplicité racinienne sa prédilection pour les complications de tous genres. A sa façon, il fut un précurseur du mélodrame romantique. Malgré sa carrière agitée et le fait de ne plus être représenté, cette grande figure de son temps fait toujours partie de l’histoire de notre théâtre.
A sa mort, au grand dam de l’Eglise, son service funèbre à Saint-Jean-de-Latran réunit des membres de l’Académie et beaucoup de littérateurs, un grand nombre de comédiens et comédiennes qui avaient commandé le service, dont Mlle Clairon accompagnée d’un Arlequin au moment de la communion. A défaut d’avoir pu interdire l’hommage funèbre, l’Eglise attendit son heure, et elle vint. Entre temps, le curé qui l’avait permis l’hommage fut interdit de messes pendant six mois.
Eglise ou charniers ?
Si on le dit toujours inhumé dans l’un des caveaux de l’église, l’extrait des registres de la paroisse suivant indique le contraire :
« Le 19 juin mil-sept-cent-soixante-deux a été inhumé sous les charniers de cette église, Prosper Jolyot de Crébillon, écuyer, l’un des quarante de l’Académie française et des Académies de Rouen et de Dijon, censeur royal et de la police, décédé d’avant-hier rue des Douze-Portes, âgé de quatre-vingt huit ans et plus, en présence de Claude Jolyot de Crébillon, écuyer, censeur royal, son fils, M. Léandre Péaget, docteur régent de la Faculté de médecine en l’Université de Paris, ancien professeur des dites écoles, et ancien médecin du roi, au Châtelet de Paris, son neveu et autres ».
Son tombeau que l’on dit disparu ne l’est pas.
Louis XV avait commandé mausolée au sculpteur Jean-Baptiste Lemoyne. En marbre, il représentait Melpomène (muse de la tragédie), déplorant la mort Crébillon et s’abandonnant à la douleur en s’appuyant sur son buste.
Mais, sous prétexte que ce monument honorait la mémoire d’un homme de théâtre et que le sujet était traité d’une façon trop profane pour trouver place dans une église, avant même d’être achevé, le curé de la paroisse et les paroissiens empêchèrent son installation.
Mis en dépôt, puis placé au Musée des Monuments français, il fut expédié au Musée de Dijon, sa ville natale, en 1820 (act. Musée des Beaux-arts). Installé dans la Salle des Gardes, dite des Ducs de Bourgogne, il y était encore vers 1894. Au moment de la rédaction de cet article, les éléments de ce tombeau se trouvent dans les réserves.Les photos qui suivent sont totalement inédites.