Un an après la mort du cardinal de Fleury se produisit un événement qui allait marquer la personnalité du roi et la suite de la vie politique française. Louis XV était parti diriger ses armées engagées sur le front de l'est dans la guerre de succession autrichienne. En août 1744, à Metz, il tomba gravement malade et ses médecins pronostiquèrent une mort imminente. Le peuple, qui adorait son roi, lui donna le surnom de "Bien-Aimé", et les prières se multiplièrent à travers le pays pour son salut. Sous la pression du parti dévot, Monseigneur de Fitz-James, premier aumônier du roi, refusa de lui donner l'absolution sans une confession publique de ses pêchés, dans laquelle le roi apparaissait comme une personne immorale, indigne de porter le titre de Roi Très Chrétien. Colportée dans tout le pays par le clergé, la confession royale ternit le prestige de la monarchie. Le roi échappa à la mort, mais sa culpabilité le poussa encore davantage vers l'adultère.
Cinq médecins, six chirurgiens, trois apothicaires, ne purent rien faire.
Quand la petite vérole compliquée d’une lèpre purulente eurent raison de la vie du roi, il n’était plus le
« Bien Aimé » depuis longtemps.
A peine mort, toute la cour s’était transportée à Choisy, en sorte qu’à part les personnes nécessaires au service, le roi était seul.
Son corps se décomposait si vite qu’il fallut faire appel aux vendangeurs de Versailles pour le mettre en bière. La crainte de la contagion fut si forte qu’il ne fut pas embaumé. Ainsi est-il le seul souverain français à avoir été inhumé « en entier ».
Sans même accomplir les formalités d’usage, en deux jours la dépouille fut expédiée à Saint-Denis. Expédiée n’est pas exagéré. Une quarantaine de gardes du corps et une poignée de porte-flambeaux composèrent l'escorte royale du carrosse de chasse transportant le cercueil, faisant « courir le mort du même train qu’il les avait menés si souvent » de son vivant. De tous les courtisans, seul le maréchal de Soubise accompagna la dépouille mortelle jusqu’à Saint-Denis.
Jamais aucun souverain ne fut mené aussi lestement dans son tombeau. L’indécence était à son comble. Sur le chemin ce n’était qu’une longue haie de cris de joie, de danses, de rires, de beuveries et d’insultes tandis qu’on colportait cet épitaphe : « Ci-gît, quinzième du nom, Dit le Bien-Aimé par surnom, Et de ce titre : le deuxième, Dieu nous préserve du troisième »…
Dernier roi régnant mort, son cercueil fut déposé à part des autres Bourbons défunts, en attendant que le prochain, supposé être Louis XVI, ne prenne sa place et le pousse dans l'alignement de ses aïeux. La Révolution en décida autrement.
Le mercredi 16 octobre 1793 à onze heures du matin, au moment où tombait la tête de l’infortunée Marie-Antoinette, le cercueil de Louis XV était levé du caveau des Bourbons. Il avait été trouvé « à l’entrée du caveau, sur un banc ou massif de pierre, élevé à la hauteur d’environ deux pieds, au côté droit, en entrant, dans une espèce de niche pratiquée dans l’épaisseur du mur. C’était là qu’était déposé le corps du dernier roi, en attendant que son successeur vint pour le replacer, et alors on le portait à son rang dans le caveau ».
Procès-verbal de Don Poirée.
Son cercueil ne fut pas ouvert dans l’abbatiale, mais au bord de la fosse. Son corps bien enveloppé « de linges et de bandelettes paraissait tout entier et bien conservé ; mais dégagé de tout ce qui l’enveloppait, il n’offrait pas la figure d’un cadavre ; tout le corps tomba en putréfaction, et il en sortit une odeur si infecte qu’il ne fut pas possible de rester présent : on brûla de la poudre, on tira plusieurs coups de fusil pour purifier l’air. On le jeta bien vite dans la fosse, sur un lit de chaux vive, et on le recouvrit encore de terre et de chaux ».
Procès-verbal Dom Poirée
En totale contradiction avec ce témoignage, Alexandre Lenoir, présent lors de la profanation des tombes royales de Saint-Denis, rapporte concernant celle de Louis XV : «…Eh bien ! Ce cadavre infecte en 1771*, exhumé en ma présence le 10 octobre 1793 – ce qui fait vingt ans d’ensevelissement – a été trouvé très conservé à la peau aussi fraîche que s’il venait d’être inhumé…Je dirai plus, il ne se répandit aucune exhalaison à l’ouverture de ce tombeau, tandis qu’à celle d’Henri IV, il s’évapora une exhalaison très forte d’aromates. » *Sic pour 1774
En 1817, les restes de Louis XV furent transférés dans l'ossuaire de la basilique Saint-Denis.