Recherché par la police française, il se rapprocha des autorités allemandes installées à Paris, auprès desquelles il se rendit peu à peu indispensable. Pour leur compte, il mit alors en place une officine chargée à la fois de s’approprier des richesses françaises, et de participer à l’espionnage allemand. Ce fut la naissance de la Carlingue (voir l'article dédié), installée au 93 rue Lauriston, qui recruta truands, hommes de main, proxénètes, malfrats de tous poils, quitte à les faire libérer de leur geôle au besoin, mais aussi des policiers véreux.
Prêts à toutes les basses besognes, dès l’instant qu’ils y trouvaient leur compte quel qu’il soit, ainsi se scella l’histoire tentaculaire entre la pègre et les autorités d'occupation.
Bureau d’achat très spécial doublé d’une basse police, co-dirigé par Pierre Bonny, avec efficacité, Lafont traqua les réseaux de résistants, dont la torture était monnaie courante, les trafiquants à la chasse très lucrative, etc. Devenu l’homme qui comptait, conforté par les quémandeurs de toutes sortes, régnant en maître sur une centaine d’hommes, menant grand train, il prenait sa revanche sur sa jeunesse.
A la Libération, tandis que de nombreux collaborateurs fuyaient la France, il resta. Confiant, en attendant un retour à une situation permettant de déguerpir en Espagne, il s’installa avec sa famille et Bonny dans sa ferme à Bazoches-sur-le-Betz (Loiret).
C’était compter sans la dénonciation de la planque par Joseph Joanovici. Le 31 août 1944 au matin, la ferme était encerclée, et Lafont fut arrêté avec Bonny.
A l’issue de leur procès, du 1er au 11 décembre 1944, Henri Chamberlain, dit Henri Lafont fut condamné à mort. Le jour de son exécution au fort de Monrouge, il adressa ses mots à son avocate, maître Drieu :
« Je ne regrette rien, Madame, quatre années au milieu des orchidées, des dahlias et des Bentley, ça se paie ! J’ai vécu dix fois plus vite, voilà tout. Dites à mon fils qu’il ne faut jamais fréquenter les caves. Qu’il soit un homme comme son père !. »
Face au peloton, il mourut la cigarette aux lèvres. Inhumé au cimetière parisien de Thiais dans la division réservée aux fusillés*, contrairement à d’autres, tel Bonny, jamais personne ne se préoccupa de sa dépouille qui, désormais, repose dans l'ossuaire de cette nécropole.
*A ne pas confondre avec le carré des suppliciés du cimetière parisien d'Ivry. A Thiais, il s'agit des individus condamnés à mort dans le cadre de l’Occupation, ou d'activés connexes à l’OAS.