Pendant toute l’occupation, grâce à ses montagnes de billets, le « chiffonnier milliardaire » put entretenir des relations aussi nombreuses que peu reluisantes. Sachant embobiner comme personne, embrouilleur professionnel, par expérience, il savait que les incorruptibles ne couraient pas les rues. Ayant ses entrées autant dans les bordels de luxe, que dans les locaux de la Gestapo française, les restaurants du marché noir fréquentés par les Allemands et les collabos de tous poils, à coups d'enveloppes et de soupers fins, il s'assurait les bonnes grâces des margoulins et des tueurs.
Mais, au milieu de ce cloaque, avec lui les choses n’étaient pas si simples. Dès 1941, par exemple, il finança le mouvement clandestin « Honneur de la police » de la Préfecture de police, réseau d'exfiltration de policiers déserteurs et prisonniers évadés.
Puis, sentant le vent tourné, avec l'art consommé de ménager la chèvre et le chou, il dénonça les chefs de la Carlingue, Lafont et Bonny, racheta à prix d’or des condamnés à mort, arma personnellement les policiers parisiens qui déclenchèrent l'insurrection en août 1944, finança des réseaux communistes, etc. Certes, ces actions lui assuraient une sorte d’assurance vie d’après guerre, mais il sut aussi faire preuve d’une réelle générosité désintéressée.
Plusieurs fois arrêté après la Libération, toujours libéré, exfiltré en 1947, il revint rapidement en France pour se livrer à la Préfecture de police. Incarcéré à la prison de la Santé, accusé de collaboration économique, son procès, mené sans zèle excessif du 5 au 21 juillet 1949, vit défiler de nombreux résistants, juifs, ou aviateurs alliés affirmant qu'il leur a sauvé la vie sans se faire payer en retour.
Reconnu coupable « d’actes ayant nui à la défense nationale mais pas « d’intelligence avec l’ennemi », il fut condamné à cinq ans d’emprisonnement, à une amende astronomique, et la confiscation de ses biens à hauteur de 50 millions de francs, et à la dégradation nationale à vie.
Libéré en 1952, la France tenta alors vainement de l’expulser du territoire. Relégué ensuite à Mende, essayant de reconstruire ses affaires, mais poursuivi par le fisc, il se lança en octobre 1957 dans une cavale qui le conduisit à Haïfa. Cependant, écœuré par le bonhomme, L'Etat d'Israël refusa de le faire bénéficier de la loi du retour, et le réexpédia à son point départ. Incarcéré à la prison des Baumettes en 1958, affaibli par une longue grève de la faim, miné par l'artériosclérose, il fut libéré en mai 1962 « par humanité » pour raison de santé.
Revenu à Clichy, ruiné, il ne quitta plus son modeste deux-pièces où le soignait son ancienne secrétaire et maîtresse Lucie Bernard. Il y mourut dans son lit.
Il fut inhumé au cimetière parisien de Bagneux, où il rejoignit dans la tombe, sa femme Hava (1903-1949) qui avait partagé avec lui les heures les plus difficiles. Mais elle était demeurée l'émigrante timide craintive et peureuse qui s'effrayait de cette ascension fulgurante et de cet entourage trop rutilant dans lequel elle se sent gauche et mal à l'aise. Snobée par les bourgeois et les aristocrates, elle n’était plus la compagne qui convenait à son mari qui s’en sépara avec ses deux filles, Hélène et Thérèse, tout en pourvoyant généreusement à leur entretien. Pour faire bonne figure, il choisit sa secrétaire et maîtresse, Lucie Bernard, divorcée d'un haut fonctionnaire. Sans charme mais d'une intelligence supérieure et d’une fidélité à toute épreuve, elle était respectée des ferrailleurs qui la surnommaient Lucie-Fer.
Le 14 janvier 1949, Hava et sa fille Hélène sortaient d’un dîner chez le fiancé de celle-ci, Boris Davidson, un juif ferrailleur, quand trois hommes se jetèrent sur lui. Durant la bagarre, une balle atteignit accidentellement et mortellement Hava.
Soulignant un peu l’ambigüité du personnage, on remarquera une plaque d’hommage du réseau « Honneur de la Police » qu'il avait aidé.