Second personnage de l'Etat, maître de la justice et de l'administration, c’est lui qui fut chargé de la délicate mission de saisir la correspondance d'Anne d'Autriche avec son frère, Philippe IV d'Espagne (1637), de diriger la répression de la révolte des Nu-Pieds en Normandie (1639), de coordonner la lutte contre les conjurations, et en particulier contre Cinq-Mars, dont il fut l’instructeur de procès, etc.
Choisissant le bon moment pour se mettre au service de Mazarin et d'Anne d'Autriche, il permit de faire casser le testament de Louis XIII qui instituait « un conseil de régence souverain ». Comme elle l’avait ardemment espéré, Anne d’Autriche se vit alors confier la régence pleine et entière pendant la minorité de Louis XIV. Un temps obligé à l’exil, il fut ensuite récompensé de sa loyauté par le titre de duc de Villemor (1650). Au début du règne personnel de Louis XIV, il instruisit le procès Fouquet, non sans se faire rappeler par son adversaire quelques
« conversations » avec les Espagnols...
Il fut pour une large part le coauteur des ordonnances qui, de 1667 à 1670, marquèrent une étape importante du droit français, plus connues parfois sous le nom de Code Louis. Bien qu’enregistré par le parlement, il ne fut pas réalisé. Pour autant, il n’était pas perdu : en 1806, il fut utilisé pour le Code de procédure civile.
Bien qu’éclipsé par Colbert, son souple opportunisme l'empêcha de protester contre l'amputation progressive de ses prérogatives. Il n’eut plus qu’un rôle secondaire jusqu’à la fin de vie.
Mais on ne saurait oublier qu’il fut aussi le mécène du Grand Siècle. Bibliophile, d'une inlassable curiosité intellectuelle, amateur éclairé, il réunit autour de lui le cercle des « Messieurs de l'hôtel Séguier », instrument au service de Dieu (le parti « dévot ») et du roi. Protecteur officiel de l'Académie française en 1643, et des arts, tout au long du 18e siècle, les académies, tant parisiennes que provinciales, ne cessèrent de se réclamer, rituellement, de ce « protecteur » exemplaire.
A sa mort, selon sa volonté, il fut inhumé au Carmel de Pontoise, ordre dont les Séguier furent un véritable pilier français. Le rayonnement exceptionnel du Carmel de Pontoise devait beaucoup à ses prieures, particulièrement à Jeanne de Jésus († 1675), la sœur cadette du chancelier qu’il aimait tendrement. Fondé en 1605, placé sous le vocable de Saint-Joseph, de nos jours, il est le plus ancien carmel en activité en France.
Son cœur fut déposé au couvent des Pères-de-Nazareth à Paris dont il était le fondateur. Il ne reste rien de sa sépulture.