Mais la rencontre décisive pour Vitrac fut celle d'Antonin Artaud, avec qui il fonda, en 1926, le Théâtre Alfred-Jarry qui ouvrit sur Ventre Brûlé ou la Mère Folle d'Artaud. L’année suivante, Vitrac donna Les Mystères de l'Amour, drame à trente-huit personnages, où une ironie féroce le dispute à un érotisme dérangeant. A partir de là, les Surréalistes, fidèles à Breton, lui tournèrent le dos et l’exclurent du groupe.
Après l'expérience du Théâtre Alfred-Jarry, Vitrac travailla en solo. Son univers est un mélange de satire et de clacissisme, de haine du conformisme et de révolte systématiquement anarchiste, dominé par la recherche d'un style qui reste unique. A la fois onirique, tragique, cocasse et irrationnel, l’œuvre de Vitrac le place comme un précurseur solitaire et incompris du théâtre de l'absurde à la fin des années cinquante.
Pour s’assurer des revenus, et lui permettre de persévérer dans la création de pièces, il travailla comme chroniqueur dans les journaux. Mais le succès n’était toujours pas au rendez-vous.
Autant le dire, il ne le connaitra pas de son vivant. Ce ne fut qu’en 1962, soit dix ans après sa mort, qu’il passa à la postérité grâce à Jean Anouilh qui, grand amateur d'humour noir, reprit une de ses pièces, Victor ou Les Enfants au Pouvoir (1928) : Victor, qui se refuse à grandir, décide tout simplement de mourir le jour de ses neuf ans. Peu à peu, par ses raisonnements, il accule au suicide les adultes qui l'entourent.
Créée avec Artaud à la Comédie des Champs-Elysées, la critique des années trente et le public avaient boudé cette tragi-comédie d'un burlesque noir et très grinçante.
En 1962, cette fois le succès fut immense faisant de l’œuvre un classique du répertoire français.
Il fut aussi membre du jury du prix des Deux Magots, toujours d'actualité.
Roger Vitrac avait connu bien du monde et côtoyé un bon nombre d' intellectuels célèbres. Mais le jour de son inhumation dans son village natal, on ne distinguait, parmi une poignée de villageois rassemblés, que le photographe Pierre Betz et Jean Anouilh. Heureusement, son souvenir reste vivace chez les pinsagais qui, lors des dernières journées francophones en novembre 2010, organisèrent la découverte de cet auteur oublié du grand public.