La hardiesse de sa pensée, qui ne cessait de s’affirmer vers le matérialisme le rendit suspect. Sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, l’expédia deux mois en détention à Vincennes en 1749. Là, il y reçut la visite de son ami Rousseau qui méditait son premier Discours. Huit ans plus tard, les deux hommes se brouillaient.
Cet emprisonnement rendit Diderot d’autant plus prudent, qu’en 1746, le libraire Le Breton, lui avait confié la direction d’une tâche immense, celle de l’Encyclopédie. Pendant vingt ans, les travaux du célèbre ouvrage l'absorbèrent une grande partie de son activité. Rédigeant, corrigeant, révisant une foule d’articles, stimulant les collaborateurs, maudissant parfois cette écrasante servitude, il se consola en songeant qu’il « aura servi l’humanité ». Presque à lui seul, il conduisit cette entreprise au succès. On ne sait par quel miracle il arriva à consacrer du temps à ses œuvres personnelles.
A la fois auteur pour le théâtre qu’il voulait doter d’un genre nouveau, le drame ou la comédie sérieuse ; négociant et critique d’art, François Boucher en fit les frais ; mais aussi auteur de romans et de contes, Le Neveu de Rameau commencé en 1762, etc., il n’en oubliait jamais qu’il était philosophe.
Sa vitalité dynamique donna à son œuvre une richesse, un foisonnement jaillissant et aussi un désordre qui pourrait faire penser à une girouette, ce qui n’était pas le cas. Tenté par les lumières de la raison et par les transports des émotions, il porta toujours en lui cette contradiction, le faisant hésiter entre le génie froid et calculateur et le génie instinctif et inspiré. Sans transition, il passait de l’exaltation à l’abattement, chantant ou maudissant sa sensibilité.
Conscient de ses contradictions, il n’en fit pas un drame et résuma sa pensée dominante en ces termes : « notre véritable sentiment n’est pas celui dans lequel nous n’avons jamais vacillé, mais celui auquel nous sommes le plus habituellement revenus ».
En 1765, pour pouvoir doter sa fille Angélique, il vendit sa bibliothèque à l’impératrice de Russie, Catherine II, qui lui en laissait la jouissance sa vie durant. Perdant ainsi une partie de son indépendance, le plébéien Diderot devint un courtisan de la tsarine, sa protectrice attitrée. Il se rendit à Moscou en 1773, y demeura cinq mois pendant lesquels il rédigea plusieurs ouvrages avant d’en revenir ne tarissant pas d’éloges sur Catherine. Comme Voltaire, il s’était laissé prendre au mirage du despotisme éclairé !
Le temps avait passé. Il s’était dépensé sans compte. L’âge et la fatigue se faisant sentir, son activité se réduisit. Bien que fidèle à lui-même jusqu’au bout, il apparaissait plus apaisé ; peut-être moins brillant mais plus stable.
Le véritable lieu de décès de Diderot fut longtemps sujet à controverses. Néanmoins, l’appartement rue de Richelieu que lui avait loué Catherine II, reste le plus probable.
Bien que son décès soit attendu, il n’eut pas le temps de revoir un prêtre. Malgré cela, le prêtre de la paroisse Saint-Roch, où il était mort, accepta des funérailles liturgiques.
Denis Diderot fut inhumé en l’église Saint-Roch lors d’une cérémonie digne de sa réputation et du rang social de sa famille. Il ne reste rien de sa tombe qu’on suppose avoir été signalée par une simple dalle. Fut-elle profanée par la soldatesque en garnison dans l’église le 4 février 1796 qui en viola plusieurs ? Une chose est sûre, au 19ème siècle un calorifère avait déjà remplacé ses restes dans le caveau qu’il occupait.