Bien plus tard, exprimant des remords, il allégua l’excuse de la misère. Faut-il l’en absoudre en invoquant les chefs-d’œuvre qu’il n’aurait pu écrire s’il avait eu la charge d’une nombreuse famille ? A chacun sa réponse.
Ami de Diderot, il collabora à la rédaction de L’Encyclopédie dans l’espoir d’y gagner la gloire tout en luttant contre la misère.
Sa véritable vocation de penseur se révéla en fait sur le tard en 1750, avec la publication du Discours sur les sciences et les arts. Voltaire, qui ne l’aimait pas, attaqua l’ouvrage par un libelle où il dénonçait l’abandon des enfants. La réponse de Rousseau à cette hostilité et à celle des Encyclopédistes, se fit bien plus tard, dans les Confessions, véritable plaidoyer autobiographiqe, écrites de 1765 à 1770 mais publiées en 1782-1789. Il écrivit Le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755) qui étonna. Puis il travailla à ses ouvrages fondamentaux en ébauchant le système de pensée qui lui valut l'immortalité. Chacun à leur manière traite de la difficile socialisation de « l’homme de la nature » : La Nouvelle Héloïse (1762) qui connut un immense succès, Du contrat social (1762) traité politique et Emile (1762) roman pédagogique.
Ecrivain contestant l’écriture, philosophe en guerre contre les philosophes, chantre de la liberté individuelle et théoricien du totalitarisme, Rousseau apparut en son temps comme un marginal. Néanmoins, il donna aux Lumières, dont il assuma largement l’idéologie, une ambigüité qui interdit de les restreindre à la seule protestation bourgeoise contre l’Ancien régime.
Inspirateur direct de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, puis de Robespierre, initiateur de la confidence et de la révolte romantiques, sa critique du pouvoir et des illusions du progrès en font aussi la référence des temps de crise et de ressourcements.
Critiqué, condamné, sujet à des problèmes sentimentaux autant que de santé, Rousseau connut plusieurs périodes d’errance avant de renoncer à la polémique et s’adonner à des plaisirs simples. Il composa encore Rêverie du promeneur solitaire (1776-1778) publiées à titre posthume en 1782.
C’est avec enthousiasme que le philosophe retrouva la nature dans le parc du château d’Ermenonville (Oise), où un admirateur, Mr de Girardin l’avait invité avec Thérèse Levasseur, son épouse officielle depuis 1768 mais « devant la nature depuis trente-quatre ans ».
Mort peu de temps après son arrivée, il ne profita guère de ce cadre champêtre. Le lendemain de son décès, le sculpteur Houdon réalisa un masque mortuaire qui lui servit de modèle pour un buste exposé au musée du Louvre.
Le même jour, à minuit, à la lueur des torches, la dépouille de Jean-Jacques Rousseau, embaumée, fut inhumée dans l’île des Peupliers qui devint très vite un lieu de pèlerinage littéraire. Un petit monument fut improvisé sur les instructions de Mr de Girardin. Ce tombeau provisoire fut remplacé un peu plus tard par un mausolée plus orné dessiné par Hubert Robert.