Profondément cultivée, éduquée dans la tradition des Lumières françaises, notamment dans les écrits de Montesquieu, Diderot et Voltaire avec lequel elle entretint une longue relation épistolaire, grande mécène, elle entreprit des réformes en profondeur qui contribuèrent à occidentaliser la Russie autant sur un plan éducatif qu’administratif. Souvent faites au détriment des paysans, certaines des réformes provoquèrent la fameuse révolte de Pougatchev qu’elle réprima sans pitié. S’appuyant sur la noblesse, elle fit en sorte d’affermir le rôle de l’aristocratie et de ses prérogatives. Comme ses prédécesseurs, elle sut conserver le pouvoir par tous les moyens, le meurtre étant récurrent envers ses rivaux et opposants.
Travaillant sans relâche à l’administration et à la modernisation du pays, elle ne négligea pas les affaires étrangères. Rêvant d’un vaste Empire russe et chrétien, elle accrut considérablement l’Empire principalement au détriment de la Pologne et de l’Empire ottoman.
Tous ses contemporains témoignent de son extraordinaire ambition qui lui fit entreprendre jusqu’au bout de nouveaux projets politiques. Autocrate dotée d’une énergie sans précédent, son monde soumis à sa volonté qui dirigeait tout, son ambition confinait à un tel égoïsme qu’elle semblait manquer de charité et de sympathie. On la disait incapable d’aimer sauf ses amants dont elle avait coutume de changer régulièrement, pour lesquels elle dépensa sans compter, et qui lui valut une réputation de débauchée. Après plusieurs années de relations intimes, Potemkine, le plus célèbre d’entre eux, choisit son successeur et resta au pouvoir.
Les jours précédents sa fin, la tsarine se montrait encore active malgré sa fatigue. Un matin elle s’effondra. Trop lourde pour la transporter dans son lit, on l’allongea sur un matelas au sol où commença son agonie sans qu’elle reprenne conscience et rendit l’âme. Après le plus long règne de l’histoire de la Russie Catherine la Grande qui fit la Grande Russie laissait à la postérité le soin de juger impartialement de ses actions.
Dans l’immédiat, presque abandonnée au milieu d’un va-et-vient de courtisans affairés, son fils, Paul, qu’elle n’aimait pas et à qui elle avait préféré son petit-fils pour lui succéder, se préoccupait de saisir des documents.
Au moment où on embaumait son corps, la tombe de Pierre III, inhumé dans le monastère Saint-Alexandre-Nevski de Saint-Pétersbourg, était ouverte et son cercueil déposé dans l’église de l’Annonciation du même monastère. Très vite, Paul, avait formé le dessein d’un cérémonial macabre. Durant deux semaines, les cercueils des époux impériaux restèrent séparés sans que nul ne comprenne l’exhumation de Pierre.
Le 3 décembre, au son des canons, la dépouille de Pierre rejoignit celle de Catherine au Palais d’Hiver où elles restèrent exposées deux jours avant de prendre le chemin de la nécropole impériale, la cathédrale des Saints-Pierre-et-Paul, où elles restèrent encore deux semaines exposées aux prières et regards d’un peuple surpris de cette étonnante réunion familiale.
Enfin le 18 décembre, les deux corps furent inhumés selon le rite orthodoxe. En plaçant les défunts côte-à-côte pour l’éternité, Paul avait bafoué les volontés de sa mère et, en arrachant son père à sa tombe, pour en plus le placer près de sa meurtrière, celle de la révérence des orthodoxes vis-à-vis de la mort.