En 1823, sa rencontre avec Talleyrand fut déterminante pour asseoir son ambition. Reconnaissant en lui un alter ego, le vieux Diable boîteux guida ses pas dans la haute société, patronage indispensable pour un jeune parvenu désireux d’atteindre le statut d’électeur réservé alors aux citoyens les plus aisés.
Pour se construire une assise financière, dès 1824, il publia la première Histoire de la Révolution française qu’il prolongea plus tard avec une Histoire du Consulat et de l'Empire.
Sorti de l’anonymat, devenu patron du Constitutionnel, journal de la bourgeoisie d'affaires, grâce à ce support influent, il s'affirma comme l'un des champions de l'opposition libérale au gouvernement de Charles X à la chute duquel il participa.
Rêvant d’une monarchie parlementaire, il aida à porter Louis-Philippe au pouvoir. Député des Bouches-du-Rhône, il fut aussi ministre des Finances, puis de l’Intérieur sous le premier ministère Soult. Homme de poigne à cette occasion, il soigna aussi sa popularité au ministère des Travaux publics en attendant encore mieux. Mais son opportunisme trop évident, qui fit écrire à Balzac : « Monsieur Thiers n’a jamais eu qu’une seule pensée : il a toujours songé à Monsieur Thiers », sa vanité et son envie de se comparer à Napoléon Ier lui jouèrent aussi de mauvais tours. « Démissionnaire » de sa fonction ministérielle en 1836, de nouveau président du Conseil du 1er mars au 29 octobre 1840, il fut finalement écarté.
Désormais républicain, il soutint la révolution de 1848 menant à la chute du cabinet Guizot. Élu au gouvernement provisoire de la Deuxième République, il apporta son appui à une République conservatrice qui excluait les classes les plus populaires du droit de vote et où l'Église catholique conservait une forte influence morale.
Habile manœuvrier, il encouragea Louis-Napoléon Bonaparte à se présenter à la présidence de la République mais rompit avec lui lorsque se profila le coup d'État du 2 décembre 1851 qui instaura le Second Empire.
Expulsé de France, il ne revient sur la scène politique qu'en 1863 en se faisant élire député de Paris. Dénonçant la diplomatie aventureuse de l'empereur, il s'opposa à l'entrée en guerre de la France contre la Prusse en juillet 1870. Fort de cette position, le 17 février 1871, l’Assemblée nationale, réfugiée à Bordeaux, l'élisait « chef du pouvoir exécutif de la République française » — c’est-à-dire à la fois chef de l’État et du gouvernement.
Signataire du traité de paix avec Bismarck (10 mai 1871), il s’installa à Versailles d’où il dirigea la violente répression contre le soulèvement de Paris qui, craignant le retour à la monarchie et refusant l'armistice, proclama la Commune de Paris.
Porté naturellement à la présidence de la République, Thiers devint le deuxième président de la République française (après Louis-Napoléon Bonaparte) et le premier de la IIIème République.
Bourgeois et conservateur, il eut la faveur de la majorité monarchiste de l'Assemblée nationale. Mais, le 24 mai 1873, les députés monarchistes, constatant son manque d'empressement à restaurer la monarchie lui retirèrent leur confiance. Thiers démissionna, persuadé qu’indispensable, on le rappellerait. Le vieux vaniteux déchanta car ce fut Mac-Mahon qu’on porta à la présidence.
Néanmoins, on ne saurait oublier qu’en deux ans, il avait réussi à rembourser la colossale indemnité de guerre due aux Allemands. A ce titre, Gambetta, son vieil adversaire, le gratifia de «libérateur du territoire». Adolphe Thiers mourut au Pavillon Henri IV, un hôtel de Saint-Germain-en-Laye où il aimait venir se reposer.