A partir de cet instant où que soit muté M. de Saint-Mars, il sera toujours accompagné de son prisonnier. Ainsi, lorsqu’il devint gouverneur de la Bastille en 1698, l’homme le suivit. Le geôlier et son compagnon d’infortune partagèrent donc trente-quatre ans de vie commune jusqu’à la mort du prisonnier.
« L’homme au masque de fer » fut inhumé dans le cimetière Saint-Paul, cimetière de la paroisse de la Bastille, sous le nom de Marchioly, ou Marchialy :
« Le 20, Marchioly [ou Marchialy] âgé de quarante-cinq ans environ, est décédé dans la Bastille, duquel le corps a été inhumé dans le cimetière de Saint-Paul sa paroisse, le 20 du présent, en présence de M. Rosage, majeur de la Bastille et de M. Reghle chirurgien majeur de la Bastille qui ont signé. »
Sur cette base, une nouvelle thèse, devenue classique, vit le jour. Cette fois il se serait agit du comte Ercole Mattioli, ancien Secrétaire d'État du duc de Mantoue, Charles II, qu’il avait persuadé de vendre secrètement à la France la place-forte de Casal, à quinze lieues de Turin. L'affaire échoua au dernier moment devant l'hostilité des cours de Turin, Venise, Madrid et Vienne, prévenues par le même Matthioli. Le double jeu de celui-ci avait ridiculisé Louis XIV qui donna l’ordre personnel de son arrestation. Il fut enfermé à Pignerol en 1679.
Mais à l’examen des pièces, cette théorie ne tient pas non plus et l’on pense que ce nom indiqué à la paroisse n’était qu’un leurre.
A peine trépassé, comme il en était l’usage, on brûla son linge, ses habits, son matelas et ses couvertures. Mais on alla plus loin. Les murs de sa chambre furent grattés et blanchis. On changea les carreaux et l’on fit disparaître toutes les traces de son séjour, « de peur qu'il n'eût caché quelques billets ou quelque marque qui eût fait connaître son nom.»
Selon la légende, dans la nuit qui suivit l’enterrement du Masque de fer, un homme curieux creusa la tombe pour trouver une grosse pierre à la place de la tête.
Le cimetière, fermé en 1791 et détruit en 1796, des maisons furent élevées sur son emplacement avant que quelques ossements ne soient retirés hâtivement, ce qui signifie que certains y sont toujours dont peut-être les siens. Sinon, ils sont aux Catacombes.
M. de Saint-Mars, s’il connut l’identité de son résident garda le secret, comme le firent tous ceux qui le surent et qui n’étaient pas nombreux.
Il reste peut-être à avoir une pensée pour cet homme dont le destin bascula un jour le condamnant à un sort si sévère et à un anonymat peut-être éternel sans qu’on n’en connaisse jamais les raisons.