Hostile à toutes alliances politiques avec les catholiques, même si elles devaient faciliter l’accession au trône de Navarre, cet incorruptible n'eut de cesse de reprocher à son ami son abjuration et sa conversion.
Toujours très actif dans les assemblées protestantes, la paix qui suivit la proclamation de l’Edit de Nantes (1598) fut pour lui l’occasion de s’initier à la controverse théologique et de commencer ses travaux historiques.
L’assassinat d’Henri IV allait tout remettre en question. Son caractère rude et intransigeant, qui lui valut le surnom de « bouc du désert », devint de plus en plus irrecevable pour Marie de Médicis qui finit par le proscrire du royaume. Exilé en Genève (1620), il continua à participer tant aux tensions internes avec la France qu’aux préliminaires de la guerre de Trente Ans.
Son éducation poussée par ses précepteurs lui avait déjà permis de rencontrer Pierre de l’Estoile puis Théodore de Bèze comme professeur au collège de Genève.
Malgré sa vie militaire, il vint à création littéraire, entre autres, sous l’influence de Ronsard. Bien qu’intense et ininterrompue, son activité intellectuelle atteignit son apogée à l’âge mûr puisque c’est à partir de 1616 que parurent son admirable « poème héroïque », Les Tragiques (commencé en 1577) et l’Histoire universelle, etc.. Mêlant histoire, lyrisme, satire et épopée, son œuvre fut aussi considérable que variée.
A la fois soldat, poète et mystique, féroce mais sensible, il incarna remarquablement les qualités et les défauts de son temps faits de démesure et de gigantisme.
Agrippa d’Aubigné mourut à Genève. Il fut inhumé dans le cloître de la cathédrale Saint-Pierre de cette ville devenue temple protestant en 1535 et adoptée, l'année suivante, par Calvin en tant qu'église mère sous le nom de temple de Saint-Pierre.
Le cloître, qui se situait à gauche du temple, fut détruit et remplacé au 18ème siècle par la Maison Mallet (siège de l’Eglise de Genève et musée de la Réforme) séparée de l’édifice par la petite rue du Cloître. Des fouilles effectuées sur le site, notamment pour tenter de retrouver la sépulture de Théodore de Bèze et de faire le lien avec le cloître, n’ont jamais permis de mettre à jour la moindre tombe. De même, aucune plaque commémorative à l’intérieur du temple ne rappelle la mémoire du poète soldat.
Par une cruelle ironie du sort, sa petite-fille, Mme de Maintenon, devait contribuer à la révocation de l’Edit de Nantes (1685).