Vouant son art à la ruine des hommes, Caroline cherchait à se venger d’un passé douloureux. Victime d’un viol impuni lorsqu’elle était enfant, qui lui avait valu d’être chassée par sa mère et de mener une vie errante en dansant et en se prostituant dans de petites auberges de province. Sa stérilité aussi, provoquée à l’adolescence par un avortement auquel l’avait forcée son amant et proxénète. Dans une société qui adorait « la Femme » sans aimer « les femmes » et qui divisait la gent féminine en trois catégories, la vierge, l’épouse et la prostituée, la Belle Otero utilisa le seul moyen qui lui était permis pour sa vengeance, la séduction. Elle atteignit son but, non seulement par sa beauté, mais aussi par la sensualité sauvage d’une véritable « panthère en chaleur » (selon Jacques Sigurd) que sa danse révélait.
Des rois, des aristocrates, des financiers, des écrivains et des ministres, tel qu'Aristide Briand, succombèrent.
Quadragénaire, pour laisser d’elle le souvenir d’une femme encore jeune et désirable, elle quitta les planches et prit sa retraite à Nice où elle acquit un superbe manoir. Mais tenaillée par le démon du jeu, sa fortune fut vite engloutie par les casinos.
Elle termina ses jours dans un petit hôtel près de la gare dont le directeur du casino de Monte-Carlo, apprenant ses difficultés financières, décida par la suite de payer son loyer et de lui verser une pension jusqu’à sa mort. Transformé en résidence, cet hôtel porte dorénavant son nom.
Oubliée et pauvre, celle qui avait été une reine de la Belle Epoque, avait fait tourner la tête aux plus grands et avait amassé une énorme fortune se suicida au gaz à l’âge de quatre-vingt-seize ans.
Caroline Otero fut d’abord inhumée au cimetière de la Caucade de Nice avant de trouver une nouvelle tombe au cimetière de l’Est.