Mais pour l’heure, se piquant de devenir actrice elle parvint à jouer dans de nombreux théâtres parisiens : Casino de Paris, Menus plaisirs, Variétés, etc. où ses talents au déduit marquèrent davantage l’histoire que ceux de théâtreuse. Vivant dès lors royalement de ses charmes, aux côtés, ou en concurrence, de Caroline Otero et de Liane de Pougy , elle devint l’une des Trois Grâces de la Belle-Epoque. Outre être ravissante, délurée, elle se distinguait de ses rivales par sa drôlerie et la spontanéité de ses répliques qui lui valut aussi le surnom de « Gavroche féminin ».
Entretenue par le duc d’Uzès, qui l’éduqua dans le vain espoir de l’épouser, Etienne Balsan -qui après avoir été son amant fut celui de Coco Chanel dont notre courtisane porta l'un des premiers chapeaux contribuant ainsi à la lancer - ou le roi Léopold II de Belgique, Emilienne régnait sur les Folies Bergère, Maxim's, Londres, Bruxelles, la Riviera, et la Côte normande, Emilienne séduisait, enchaînait les aventures amoureuses masculines et féminines, brisait les cœurs. Elle épousa le jockey Percy Woodland, de quelques années son cadet, dont elle divorça pour en épouser un autre, Alec Carter, qui mourut pendant la Grande Guerre.
Passionnée de littérature, elle se voulut poétesse. Dans son recueil Sous le Masque (1918), sorte d’autobiographie en vers non dénués d’un certain charme désuet, elle révélait une âme sensible et mélancolique. En 1919, elle publia un recueil de recettes de beauté.
Mais la Première Guerre mondiale avait enterré la Belle-Epoque et consommé le déclin de notre « grande horizontale ». L’opium avait fait des ravages sur son corps et sur son esprit ; elle avait dépensé une fortune pour ses maîtresses. Veuve, seule, malade et endettée, elle finit ses jours à Monaco où elle mourut le jour de la... saint Valentin et y fut inhumée dans une première tombe.
En 1951, sa dépouille fut transférée dans la sépulture familiale maternelle, la chapelle Normand où, sur l'autel, plusieurs photos défraîchies rappellent le temps de sa splendeur.