Atteindre la sainteté n’est pas une sinécure ! Porter à un degré exemplaire la pratique héroïque de toutes les vertus chrétiennes demeure un exercice bien peu praticable pour le quidam ordinaire. Or, pour rejoindre la cohorte de martyrs des temps douloureux des débuts de la chrétienté, de contemplatifs et ascètes, de mystiques et de stigmatisés, etc., il faut, de nos jours, au moins enregistrer deux miracles, principalement des cas de guérison reconnus mais non explicables de façon scientifique.
Bref, si vous n’êtes pas l’intercesseur manifeste de la volonté divine, aucune canonisation n’est envisageable avec au moins pour avantage notable de ne pas avoir votre sépulture dérangée durant votre repos éternel.
Le terme de canonisation est bien moins ancien que la chose qu'il exprime ; on ne le trouve pour la première fois qu'en 993 dans une bulle du pape Jean XV à l'occasion de celle de l'évêque Ulrich d'Augsburg.
Dépeuplé par le christianisme, le ciel du paganisme ne resta pas longtemps sans habitants : saints martyrs vinrent y cohabiter avec les anges. Ils furent si nombreux à s’y installer qu’on ne compte plus au travers les siècles les conciles interdisant les ferveurs rendues à d’éventuels usurpateurs, c’est à dire ceux dont le caractère sacré n’avait pas été officiellement reconnus par l’Eglise. Au 15ème siècle il est arrivé qu’on ne comptât pas moins de cinq mille personnes par jour prétendant au martyrologe…
Un peu d’ajustage et la Toussaint mirent un peu d’ordre dans le calendrier y compris la saint Glinglin.
Pendant que du Paradis, l’esprit des vrais saints veillaient sur les vivants, ceux-ci s’activaient à préserver les restes terrestres des bienheureux disparus. Cette conservation se fit avec d’autant plus de zèle que des reliques sincèrement vénérées ne pouvaient qu’intercéder en la faveur de celui qui se dévouait si honnêtement.
Et les grands de toute l’Europe, les églises, les abbayes et autres lieux de revendiquer le droit à posséder SA relique.
Il fallut attendre le 4ème siècle pour voir le culte des reliques s’accélérer, s’emballer avec le temps pour en arriver à un invraisemblable trafic où les vraies autant que les fausses envahirent le marché.
C’est ainsi que si l’on compte bien, on peut conclure qu’un saint « qui rapporte » était une sorte de monstre à quatre bras, trois têtes et doté d’au moins une trentaine de petits doigts et autant d’orteils !
Le bras de saint Thomas d’Aquin était exhibé en même temps à Rome, à Rhodes et aux Indes; sainte Julienne de Nicomédie, avec ses vingt-six têtes bat à plate couture St Jacques le Mineur et St Jean-Baptiste qui n’en possèdent que dix. Au 19ème siècle, on note une performance avec saint Georges et saint Pancrace qui affichent trente corps ; pour les bras, la valeur refuge reste incontestablement saint André qui en possède dix-sept, etc.