Habilement, il tissa sa toile pour gagner les faveurs de Louis XIV. Il y parvint jusqu’à devenir un ami intime, et l'accompagna pour son mariage à Saint-Jean-de-Luz.
Brillant courtisan plein d’esprit et de charme, adoré des femmes et séducteur invétéré aux innombrables conquêtes, tout lui sembla alors permis au point de disputer au roi la conquête de Mme de Valentinois, ce qui lui valut de tâter de la Bastille une première fois.
Alors qu’il avait vaillamment participé à la guerre de Dévolution, le roi refusa obstinément de lui donner une charge promise. Il aurait eu alors l’inconcevable audace de s'embusquer sous le lit du roi et de Mme de Montespan pour écouter leur conversation et connaître les causes de revirement…dont la maîtresse royale sembla bien être la responsable. Après avoir insulté cette dernière et piqué une grosse colère devant le roi, il séjourna pour la seconde fois à la Bastille.
Pardonné, capitaine des gardes (1669), il était au sommet de sa gloire quand la Grande Mademoiselle, cousine germaine du roi, eut l'extravagant projet de l’épouser. D’abord favorable à cette équipée romanesque, les intrigues de la Cour, de la famille royale, de Mme de Montespan, l'ensemble hurlant à la mésalliance, emportèrent la décision du roi qui refusa. Arrêté par d'Artagnan, expédié à la citadelle de Pignerol, il y retrouva Fouquet. Enfermé en 1671, il ne retrouva sa liberté qu’en 1681. Dix ans durant lesquels il tenta en vain de s'évader, multiplia les crises de révolte et d'exaltation mystique, et s’humilia dans des lettres interminables envoyées au roi et à son ministre de la Guerre.
Accueilli froidement à la Cour, sa prétendante n’ayant pas désarmé, bien qu’il n’existât pas de preuves, on pense que le mariage eut malgré tout lieu en grand secret. Cette union se résumant à une longue scène de ménage, le couple se sépara.
Après la Glorieuse Révolution anglaise (1688), c'est à lui qu'incomba la mission de ramener à Saint-Germain-en-Laye la famille du roi Jacques II Stuart, puis de commander l'infructueuse expédition d'Irlande pour tenter de le rétablir sur son trône.
Créé premier duc de Lauzun (1692), trois ans plus tard, le vieux barbon épousa une jeunesse, Geneviève-Marie de Durfort.
Bon pied bon œil malgré son grand âge, Lauzun affichait quatre-vingt-dix printemps quand il trépassa. Conformément à sa volonté, il fut inhumé dans la chapelle du couvent des Petits-Augustins dont il fut le bienfaiteur. Point de tombe ostentatoire, mais une simple dalle nue, dépourvue d’inscription, et dont il ne reste rien.
Malgré ses titres et ses dignités, Lauzun ne fut pas un personnage de premier plan. Mais, mieux que cela, il incarna à merveille l’esprit de son siècle, sa légèreté, sa finesse, ses grandeurs comme ses bassesses. Célèbre pour ses galanteries, il n’est en rien comparable au modèle libertin et cynique des Lumières. Il ne fit rien d’extraordinaire, et pourtant sa vie foisonnante et étourdissante d’aventures, alimenta et occupa tout le Grand Siècle.