Après la guerre et quelques rôles, devenu une figure du théâtre parisien des années 1960, il créa sa propre troupe théâtrale avec laquelle il monta des textes de Jean Genet, Ionesco, Hugo Claus, Robert Musil, Anna Langfus, etc., et reprit également une partie de l’héritage familial avec le répertoire de son père, notamment Anton Tchekhov : La Mouette, Oncle Vania, et Les Trois Sœurs. En 1967, il obtint son plus grand succès en jouant et mettant en scène Henri IV de Luigi Pirandello.
Comme professeur à l'École d'art dramatique de la rue Blanche (aujourd'hui ENSATT) , il eut comme élèves Gérard Depardieu, Niels Arestrup,...
Servant son métier d’acteur tout à la fois avec passion et modestie, le cinéma fit aussi appel à son immense talent : Les Sept Péchés capitaux film à sketches de Claude Autant-Lara (1951) ou Le Joueur (1958) du même réalisateur ; Les Espions de Henri Georges Clouzot (1957), Paris brûle-t-il ? (1965) de René Clément où il interprétait Frédéric Joliot-Curie, etc.
Mais son physique très particulier -visage émacié sur un corps de grand oiseau fragile,- voix très grave, diction typiquement théâtrale – ne pouvait pas vraiment séduire le 7ème art. Le plus souvent cantonné dans des seconds rôles de personnages inquiétants (espions, tueurs ou à la limite de la folie ), seul Alain Resnais sut vraiment utiliser sa personnalité singulière dans L'Année dernière à Marienbad (lion d'or à Venise en 1961) où il tenait le rôle d'un meneur de jeu énigmatique. On le vit également dans une trentaine d’apparitions à la télévision.
« Comédien sans grimace et sans complaisance », selon les mots d'un critique théâtral, accentuant sa légende d'acteur incontrôlable qui avait su jouer et mettre en scène de façon remarquable Henri IV, il souffrait de profondes crises dépressives à la fin de sa vie et dut renoncer au théâtre et au cinéma.
Alors que ses parents reposent dans le propret petit cimetière de Genthold (Suisse), Sacha Pitoëff fut inhumé dans la nécropole parisienne de Thiais. Reléguée dans une lointaine division, sa tombe n’est que pure désolation. Un temps couverte de verdure et au moins signalée par une croix orthodoxe en bois, il ne reste rien. Une des grandes références du théâtre français gît dorénavant de façon anonyme avec pour seule stèle les vestiges d’un végétal. Sic transit gloria mundi...mais à ce point, quelle tristesse.