Toutes les pistes avancées finissaient dans des impasses jusqu’à ce que, en 2018, le hasard mette sur la bonne voie Claude Schopp, spécialiste français de Dumas père et Dumas fils, et que l’anonymat du fameux pubis soit enfin levé : il s’agissait de celui de Constance Quéniaux.
Danseuse dans le corps de ballet de l’Opéra (1847), où elle faisait déjà l’admiration de Théophile Gautier, une vie de courtisane bien menée lui permit d’éviter la précarité qu’elle avait connue dans son enfance. C’est ainsi qu’elle devint la maîtresse de Khalil-Bey (1831-1879), diplomate turco-égyptien, figure flamboyante du Tout-Paris des années 1860, connu pour être un très gros joueur capable de dépenser une fortune en une soirée, Constance obtenant alors une partie des gains amassés. Mais Khalil-Bey était surtout célèbre pour son éblouissante collection de tableaux dédiée à la célébration du corps féminin. Entre autres, il possédait Le Bain turc de d’Ingres.
Déjà condamné pour indécence pour sa toile Vénus et Psyché , Courbet, peintre « pornographe », avait piqué l’intérêt de Khalil-Bey qui lui passa la fameuse commande livrée en 1866. En même temps, le peintre lui vendit Le Sommeil représentant deux femmes nues enlacées sur un lit.
Longtemps L'Origine du monde resta caché derrière un voile vert dans la salle de bain du commanditaire avant de, suite à la ruine de Khalil-Bey due à ses dettes de jeu, suivre un destin mal connu. Jusqu'à son entrée au musée d'Orsay en 1995, le tableau faisait alors partie de la collection du psychanalyste Jacques Lacan.
Paradoxe d'une œuvre célèbre, mais peu vue, elle est désormais présentée sans aucun cache, et a retrouvé sa juste place dans l'histoire de la peinture moderne.
Constance, dont l’élégance et les toilettes continuaient de charmer, avait cessé de danser depuis 1859. Devenue « une femme de bien » et « respectable », sa philanthropie bénéficia particulièrement à l'Orphelinat des Arts, une institution pour les orphelins et enfants abandonnés d'artistes.
Morte à Paris, elle fut inhumée le 10 avril au cimetière de Montmartre dans la chapelle familiale où l’avait précédée sa mère.