Ses premières poésies parues, témoignant d’un réel talent dans la description précise et colorée des objets et des paysages, il va rapidement s’insurger contre le romantisme moralisateur politique et social et déclarer que l’art doit être cultivé pour lui-même en dehors de toute préoccupation utilitaire. Et gare à ceux osant reprocher aux artistes leur immoralité ! Pour Gautier, loin d’influencer sur la morale, l’art était un reflet des mœurs. Ainsi va-t-il développer un véritable culte de l’ « art pour l’art », qu’on trouve déjà dans la préface de Mademoiselle de Maupin (1835), et qui se transforma en son idéal, en sa raison de vivre.
Ami de Balzac et d’Hugo, ce fut autant par amitié que par besoin d’argent qu’il se fit critique littéraire, de peinture et même de danse. Quelque deux mille pages au style ardent et riche qui restent une des meilleures évocations –si ce n’est la meilleure- de la vie artistique sous la monarchie de Juillet. Un long séjour en Espagne (1840), lui offrit les décors colorés qu’il aimait et dont il fixa la beauté autant avec le pinceau qu’avec la plume lui inspirant, parmi d’autres, España (1845).
Puis, tournant un dos dédaigneux au faste romantique des mots et des images, il s’enferma dans un art nouveau épuré des élans passionnés pour se consacrer à une métrique brève, des strophes courtes et des rythmes peu variés. Ainsi va naître la partie capitale de la seconde partie de sa vie, cristallisée dans Emaux et Camées (1852), malgré un retour vers le roman historique (Le Capitaine Fracasse, Le Roman d’une momie).
Baudelaire -qui lui dédicaça Les Fleurs du mal-, Flaubert, Bouilhet, etc. se réclamèrent de celui qu’ils aimaient pour sa religion de la consolation par l’art. Parmi ceux atteints par l'influence du "bon Théo", on compte aussi Leconte de Lisle.
Président de la Société nationale des Beaux-Arts (1862), cette élection ayant provoqué des jalousies chez des littérateurs moins reconnus, il se vit refuser au moins trois fois son entrée à l’Académie française.
Sincèrement touché par la guerre de 1870 puis par la Commune, contre laquelle il prit position, il mourut à Paris rongé par la maladie.
Son enterrement fut l’un des plus beaux qu’ait jamais eu un simple artiste. Tout le Paris intellectuel y assista suivit d’une foule de curieux qui l’accompagna jusqu’au cimetière de Montmartre où il fut inhumé. Alexandre Dumas fils fit un discours.
Sur sa tombe, continuant à rendre un hommage éternel au poète, la muse de la poésie, Calliope, accoudée sur le portrait sculpté de Théophile, est signée Cyprien Godebsky (1835-1909)