En 1946, sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, il publia son roman J’irai cracher sur vos tombes qui, traitant de la sexualité, de la violence et du racisme, provoqua un grand scandale. Il est vrai que cette œuvre était bien éloignée des récits à la fois poétiques et humoristiques toujours teintés de tendresse qu’il publia dans années suivantes : Vercoquin et le plancton (1946), L’Automne à Pékin et L’Ecume des jours (1947), L’Herbe rouge (1950) ou encore L’Arrache-Cœur (1953). Il utilisa souvent divers pseudonymes, qui prenaient souvent la forme d'anagrammes de son nom, comme Bison Ravi, Baron Visi ou encore Brisavion.
Egalement auteur d’environ cinq-cents chansons, nombre d’entre elles furent interprétées par des emblèmes de la chanson française comme Henri Salvador ou Juliette Gréco. Il inspira beaucoup aussi Serge Gainsbourg qui allait régulièrement l’écouter jouer aux Trois Baudets. Le Déserteur (1954), merveilleusement interprétée par Mouloudji, fut l’une de ses rares chansons à porter sa signature musicale.
Ecrivain , poète, trompettiste mais aussi excellent peintre, la diversité de ses talents en fit un inventeur au sens le plus noble du terme. A titre indicatif, outre cinq-cents chansons, il signa dix romans, une soixantaine de nouvelles, trois recueils de poésie, trois volumes de critiques et de chroniques de jazz, dix pièces de théâtre, six livrets d’opéra, trente scénarios, des lettres, des pamphlets, des manifestes et des traductions.
L’Ecume des jours qui, avec ses jeux de mots et ses personnages à clef, fit de lui un véritable mythe, est aussi le roman de la jeunesse et de la maladie qu’il connaissait bien. Malade du cœur, fort peut-être de cette mort qui couvait en lui, il sut créer des récits sur l’horreur de celle-ci mais aussi sur la beauté de la vie.
Cet héritier naturel de François Villon, qui se plaignait que le temps lui « cavalait au cul » n’en prit pas davantage pour mourir. Sombré dans l’inconscience alors qu’il assistait à la projection de adaptation cinématographique de son livre J'irai cracher sur vos tombes, transporté d’urgence à l’hôpital Laennec, il mit à peine deux heures pour nous quitter. Depuis, il est devenu un auteur « classique » étudié dans les collèges et lycées.
Inhumé dans sa ville natale de Ville-d’Avray, il avait voulu une tombe sobre, absente de tout ornement, sans nom ni aucune date. Tel il le voulait, tel ce fut et est encore malgré queslques marques d'affection.