Il ne fut pas difficile de se débarrasser de cet adversaire talentueux. Une simple accusation d’implication dans un pseudo complot et hop, à la guillotine le polémiste ! Il fut arrêté en mars 1794 chez des amis à Passy et enfermé à St-Lazare où, inspiré par Aimée de Coigny, il écrit la fameuse Jeune captive, hymne à la vie qui ne bouleversa pas outre mesure la jolie muse habituée à plaire.
Son père, Louis, fit tout pour le libérer, allant jusqu’à supplier Barère qui affirma « la libération » d’André sous trois jours. Fou de joie, Louis Chénier rentra chez lui, persuadé qu’il avait sauvé son fils. Barère avait volontairement omis de préciser un détail : la libération d’André passait par la charrette des condamnés. S'accusant d'avoir précipité la mort de son fils, Louis Chénier mourut un an plus tard suivit de quinze jours de sa femme dans la tombe. Aucun des deux ne sut jamais où avait été inhumé André. Quant à Marie-Joseph, son frère cadet, la situation ne lui permis pas d’agir davantage qu’il ne le fît.
Transféré à la Conciergerie le 6 Thermidor il fut condamné le lendemain comme ennemi du peuple. Et c’est ainsi que l’un des plus grands poètes et polémistes de son époque fut décapité, place du Trône-Renversé (actuelle place de la Nation). Il joua de malchance. Deux jours plus tard, c’était la fin de Robespierre et de la Terreur. Seulement deux petits jours…
André était fasciné par les morts prématurées et par les rites de la mort dont il pensait qu’ils révélaient une civilisation. Il considérait la mort chrétienne comme une négation de l’immortalité et que la vie s’inscrivait dans le cycle de la nature, que tout ce qui vit est une masse d’atomes qui ne fait que changer d’aspect. Jusqu’au dernier moment, notre poète ne manifesta d’élans chrétiens.
« Mourir ! J’avais pourtant quelque chose là » lança Chénier à la foule en se frappant la tête, au moment de gravir les marches de l’échafaud. Qui le savait ? Il mourait en poète inconnu car ses vers ne furent publiés que dix ans après sa mort.
André était alors beaucoup moins connu que Marie-Joseph, député de la Convention et auteur des paroles du Chant du Départ. Le temps et la reconnaissance de son talent se chargeraient de renverser les notoriétés.
Il fut inhumé dans une fosse de ce qui deviendra le cimetière de Picpus, tombe commune des dernières victimes de la guillotine parisienne.