Là, dans ce que Danton appelait « le temple du rabot et du ragot », le révolutionnaire, jalousement couvé et choyé trouva une famille de confiance. Jalousement, le mot n’est pas trop fort : quand Charlotte, soeur de Robespierre, vint s’installer chez son frère, la femme Duplay lui rendit la vie impossible. C’est ainsi que le citoyen Duplay rentra dans l’histoire car, pour le reste, sa prudence politique ne lui fit jouer aucun rôle notable ce qui par ailleurs lui sauva la vie.
Et Eléonore dans tout cela ? Comme ses parents, elle couvait Maximilien avec d’autant plus d’attention qu’elle était fort éprise de lui. A ce sentiment ardent et naïf, Robespierre répondait par une sincère affection mais plus raisonnée. Une chose est certaine : leurs rapports furent des plus chastes. C’était l’amour qui convenait à un homme jeté tout le jour dans les agitations de la vie publique, un repos de cœur après les lassitudes de l’esprit. En parlant d’elle, Robespierre disait : « Ame virile, elle saurait mourir comme elle sait aimer ». Il l’avait demandée en mariage, mais son dénuement et les lendemains incertains firent qu’elle ne restât que sa « fiancée ». Il n’en fallut pas davantage pour qu’elle soit un personnage sans importance historique mais incontournable lorsqu’on parle de Robespierre.
La mort de ce dernier fut un vrai drame pour Eléonore. La réaction thermidorienne la laissa tranquille.
Toutefois, solidaire de sa soeur Elisabeth, qui avait épousé Le Bas et qui venait d’être emprisonnée avec son bébé, elle se fit enfermer avec elle. De nouveau libre, elle prit le deuil de Maximilien qu’elle ne quitta plus comme le silence dans lequel elle se cloîtra. Elle bénéficia d’une pension qui lui fut versée sous tous les gouvernements qui se succédèrent jusqu’à sa mort.
Quant au sieur Duplay, arrêté le lendemain de la mort de Maximilien il fut acquitté. A la tête de confortables biens immobiliers, il continua tranquillement à les faire prospérer.
Il est étonnant de constater que parfois les petits rôles de l’histoire suscitent davantage d’attention post-mortem que les plus grands. Il en va ainsi pour Eléonore dont la tombe toute simple est régulièrement fleurie.
Elisabeth Le Bas repose non loin d’elle.