Philippe, qui n’avait qu’un fils, voulait se remarier. Persuadé être libéré de tous liens matrimoniaux, il se mit en quête d’une nouvelle femme. Mais en Europe, la répudiation brutale d’Ingeburge avait fait grand bruit et les candidates de valeur se montraient réticentes. Qu’importe ! Il se contenta donc d’Agnès, fille du duc de Méranie.
Dotée d’un physique agréable et d’une sensualité latente, Philippe en tomba éperdument amoureux.
Face à la forte personnalité du roi de France, le pape Célestin III avait échoué dans la réconciliation du couple Philippe-Ingeburge. Le pontife suivant, Innocent III, attentif aux réclamations d’Ingeburge et de son père, ne se laissa pas impressionner. Estimant qu’aucun des motifs invoqués pour l’annulation n’était recevable, à commencer par celui de la non consommation, Innocent III exigea la reprise de la vie conjugale avec Ingeburge. Hors de question pour Philippe ! Durant deux ans, malgré les difficultés et les nuages qui s’amoncelaient, le couple vécut son amour avec intensité.
Mais sa résistance avait sa limite, celle de l’interdit. En 1199, Innocent III, exaspéré par l’entêtement de Philippe II l’avait excommunié sans que celui-ci ne cédât. Le 15 janvier 1200, devant l’insuccès de ses démarches diplomatiques, le légat Pierre de Capoue jeta officiellement l’interdit sur le royaume de France. Philippe ne fléchit pas ! Offusqué, il envoya même des émissaires à Rome pour le faire lever. L’interdit sur un royaume empêchait à quiconque de recevoir le moindre sacrement. L’heure était grave.
Agnès avait toujours eu confiance en Philippe et savait qu’il ferait tout pour protéger leur couple. Tiraillée entre son amour et ses scrupules, elle vivait un vrai cauchemar. Elle s’inquiétait pour le royaume et sur le sort de ses deux enfants. Elle s’estimait l’épouse légitime du roi alors qu’on la traitait comme une concubine.
Dehors, le peuple grondait et Philippe céda enfin, tout du moins en apparence. L’important était que l’interdit soit levé. Il le fut le 20 septembre.
Philippe, la mort dans l’âme, se sépara d’Agnès que le doute rongeait. Elle savait qu’il fallait bien peu de choses pour faire basculer les évènements. Elle partit pour le château de Poissy où Philippe lui rendit visite contrairement à son engagement et à celui de reprendre Ingeburge à ses côtés.
Agnès mourut rongée de chagrin en donnant naissance à son troisième enfant qui décéda peu après. Point de funérailles solennelles. Elle fut menée au tombeau dans l’abbaye bénédictine de Saint-Corentin.
Il ne reste rien de sa sépulture ni de l’abbaye vendue à la Révolution comme bien national.
Par la suite, Innocent III accueillit favorablement la demande de légitimation des deux enfants d’Agnès au motif que cette princesse, ignorant l’illégalité de l’annulation, avait consenti au mariage de bonne foi.