En ne se portant pas au secours du gros de la flotte française, il échappa au feu des Anglais mené par Nelson à la bataille d’Aboukir. Ce n’était que partie remise pour les Britanniques qui l’attaquèrent et le capturèrent le 29 mars 1800 alors qu’il faisait voile vers la France sur le Guillaume Tell rempli de malades et de blessés.
Libéré peu après, il quitta la mer pour naviguer sur des eaux plus politiques. Membre de la Commission d’organisation de la Marine, préfet maritime de Lorient, commandant de l’escadre de Rochefort, il fut nommé ministre de la Marine le 1er octobre 1801.
Totalement désorganisé par des années de désordre et d’incurie révolutionnaire, le ministère avait besoin d’être remis sur pieds. Avec des moyens limités, Decrès tenta de réorganiser la flotte et les arsenaux en tenant compte des exigences de Napoléon Ier. Il entreprit également un gros effort concernant les équipages avec la création de 50 bataillons d’équipages de haut bord, de 10 bataillons d’équipages de flottilles et de deux écoles navales embarquées sur le Duquesne et le Tourville à Brest et à Toulon pour la formation pratique des officiers. Decrès est aussi connu pour les immenses travaux qu'il a sinon conçus, du moins fait exécuter à Venise, à Niewdep, à Flessingue, à Anvers, et surtout à Cherbourg.
Homme de talent et réactif, il est indéniable qu'il joua un rôle considérable dans l'organisation de la marine impériale. En revanche, très attaché à ses prérogatives et détesté, on peut lui reprocher d’avoir préféré pour les grands commandements des hommes médiocres mais obéissants à des esprits supérieurs mais plus indépendants. Le plus bel exemple fut son choix de remplacer le défunt Latouche-Tréville par Villeneuve qui mena la France au désastre de Trafalgar.
Decrès était un esprit lucide et sans illusion sur la fin d’un empire dont il entrevoyait l’effondrement. Sous la Restauration, Louis XVIII le fit chevalier de Saint-Louis mais le mis à la retraite. Durant les Cent-Jours, il reprit son ministère. Sous la Seconde Restauration, il fut fait Pair de France mais écarté par une mise à la retraite définitive le 1er août 1815. Il se retira alors de la vie politique.
Bien qu’il soit admis qu'il fut victime d'une tentative d'assassinat par un valet qui venait le voler, son décès reste entouré d'un certain mystère.
Le 22 novembre 1820, alors qu’il dormait, il fut réveillé par une forte odeur de brûlé et sauta de son lit. Deux explosions retentirent. Brûlé sur diverses parties du corps, il appela son valet de chambre qui, voyant son maître vivant, se précipita par la fenêtre de la chambre et se blessa mortellement. L'enquête de police révéla la disparition de tout l'argent que Decrès conservait chez lui. On en conclut que le domestique, qui mourut le lendemain sans avoir parlé, avait voulu masquer son larcin par un incendie où son maître aurait trouvé aussitôt la mort. En fait les brûlures de celui-ci s'envenimèrent et il mourut le 7 décembre.
Il fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise où l’on peut voir son imposante sépulture ornée d'ancres de marine.