Anne Martinozzi, comme tout ce bataillon des fameuses nièces, était jolie. Elle fut demandée en mariage par le prince de Conti, qui venait d'abandonner à Bordeaux les restes de la Fronde vaincue, s'était retiré dans son gouvernement de Languedoc et aspirait à faire la paix.
Quoiqu'il répugnât d'abord d'épouser la nièce de son ennemi personnel, il finit par le désirer vivement. De son côté, la nièce du cardinal eût préféré le duc de Candole, qui l'avait antérieurement demandée ; mais on fit taire ses préférences, tant il importait au ministre de s'allier à un prince du sang.
La princesse de Conti n'eut pas l'existence tapageuse de ses cousines ; elle était pieuse, austère même et portée au jansénisme.
Comblée de richesses et d'honneurs, elle aurait vécu plus volontiers dans un couvent qu'à la cour, si on l'eût laissée libre de suivre ses goûts. Ce fut surtout après une maladie dont elle faillit mourir que ses idées mystiques s'exaltèrent. Elle réforma ses toilettes, renonça aux bijoux et décida son mari à vivre dans le mariage comme dans le célibat.
Un soir, Louis XIV voulut lui murmurer à l'oreille quelques paroles galantes ; elle fit un tel éclat que le crédit de son oncle en fut un moment ébranlé. Devenue veuve à vingt-neuf ans, elle refusa de se remarier, afin de se livrer tout entière à ses pratiques de dévotion. Elle ne survécut, du reste, que quatre ans au prince de Conti. Elle mourut d’apoplexie nimbée d’une réputation de sainteté.
Selon sa volonté, elle fut inhumée dans l’église de sa paroisse. Son cœur et ses entrailles durent respectivement déposés chez les Carmélites de la rue Saint-Jacques et à Port-Royal-des-Champs. A la destruction de cette abbaye l’urne contenant ses entrailles revint à Saint-André-des-Arts.
Anne Martinozzi eut un fils inhumé dans son caveau :
Elevé près du chœur, son tombeau se composait d'une statue de marbre blanc en bas-relief, accompagnée des attributs de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, encadrée d'ornements en marbre surmontés d'une urne en bronze le tout dessiné et sculpté par François Girardon. L'épitaphe de la princesse était gravée au-dessous en lettres noires sur une plaque de marbre blanc :
« A la gloire de Dieu | et a la memoire eternelle | d'Anne Marie Martinozzi | princesse de Conty | qui detrompée dès l'aage de | XIX ans vendit toutes ses pierreries pour | nourrir durant la famine de M DC LXII, | les pauvres de Berry, de Champagne, et de | Picardie, pratiqua toutes les austerités que | sa santé put souffrir; demeurée veuve a | l'aage de XXIX ans, consacra le reste de sa | vie a élever en princes chretiens les princes | ses enfans, et a maintenir les loix tempo | relles et ecclesiastiques dans ses terres; se | reduisit a une depense tres modeste; restitua | tous les biens dont l'acquisition luy fut sus | pecte jusqu'a la somme de DCCC mil li | vres; distribua toute son epargne aux | pauvres dans ses terres et dans toutes les | parties du monde, et passa soudainement | a l'éternité, apres seize ans de perseverance | le IV fevrier M DC LXII, aagée de | XXXV ans | Priez pour elle.
Son mausolée fut démonté et mis au dépôt au musée des Monuments français d’Alexandre Lenoir. le bas-relief sortit du musée en 1809 pour servir de décoration au château de Malmaison, fut modifié et placé dans le parc. Il se trouve actuellement au Metropolitan Museum of Art de New-York.
Après la profanation de sa sépulture à la Révolution, ses restes furent déposés aux Catacombes en février 1794.