Engagé pendant les années de guerre par Jean Marchat, son oncle maternel et co-directeur du théâtre des Mathurins, au contact de grands acteurs, il apprit le métier en affirmant sa présence sur scène, en plaçant sa voix grave, chaude et sensuelle.
Dans le même temps, il devint un homme séduisant, dont le regard mélancolique lui donna une gravité dans des rôles difficiles, ingrats ou mystérieux dont il se tirait de manière sobre et réservée.
En lui offrant sa première modeste réplique en 1945, le cinéma lui ouvrit les portes d’une carrière à la filmographie impressionnante qui débuta vraiment dans La Belle et la Bête de Jean Cocteau aux côtés de Jean Marais. Héros séduisant et désenchanté de l’après-guerre, à l'instar d’un Maurice Ronet, il prêta son visage mélancolique, un peu boudeur, attachant et douloureux à des personnages dévoyés, faibles, névrosés et hésitants.
En 1949, Clouzot lui confia le premier rôle masculin de Des Grieux dans son Manon, l’histoire de l’abbé Prévost replacée en période de guerre, d’occupation et de marché noir. Peut-être son meilleur rôle selon les critiques. Le public, qui pourrait avoir envie de sortir définitivement des années noires, plébiscita ce dandy distingué et lointain auquel le cinéma italien fit appel.
Après avoir été au faîte de sa gloire, il ne prit pas le train de la Nouvelle Vague se limitant à des rôles de second plan dans des films néanmoins de bonne facture : Sous le signe du taureau (1968), Le chacal (1972), Le coup de sirocco (1979), Trois hommes à abattre (1980), etc. Plus intéressante fut sa prestation dans le thriller politique d'Henri Verneuil, Mille milliards de dollars (1981) et plus amusante son intervention en empereur romain anachronique dans le film de Jean Yanne, Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982), avant de faire un retour fulgurant en père déchu dans Rue Barbare (1984).
Eloigné des honneurs, discret, d’une grande exigence, cet acteur de grand talent n’a jamais cédé à la tentation des films alimentaires, privilégiant la qualité dans chacun de ses rôles.
Alors qu’il se trouvait en vacances en famille dans le Var, il fut emporté par une hémorragie cérébrale. Il fut inhumé dans le petit cimetière de Saint-Paul-en-Forêt. Paradoxe : alors que l’artère principale de la commune s’enorgueillie de son nom, sa tombe offre un spectacle affligeant de manque d’entretien au point que le visiteur peut passer et repasser devant sa sépulture sans l'identifier car même son nom a quasiment disparu.