A partir de cet instant, « ensemble » fut le pilier d’une des plus belles et des plus longues aventures théâtrales . Aventure brillante, hasardeuse parfois, mais qui traversa le 20ème siècle de part en part. C’est l’histoire d’un couple devenu mythique sous les feux de la rampe
Installés au Théâtre Marigny, ils engagèrent des talents les plus prometteurs venant la Comédie-Française. Mais aussi des musiciens comme Pierre Boulez ou Maurice Jarre. Puis la troupe déménagea au Petit Marigny.
En 1959, Jean-Louis fut nommé Directeur du Théâtre de l’Odéon, qui devient L'Odéon-Théâtre de France, où il manifesta un éclectisme dans le choix de ses pièces qui lui fut reproché : il monta les grandes œuvres du répertoire classique mais créa aussi les pièces les plus modernes d’auteurs comme Eugène Ionesco, Jean Genet, etc. Jean-Louis mettait en scène et Madeleine, à un âge où beaucoup d’actrices se retirent, renouvelait sa carrière en s’illustrant dans des textes de Samuel Beckett ou de Marguerite Duras. A Paris comme aux quatre coins du monde, ils portèrent la bonne parole d’un répertoire résolument contemporain, avec le souci constant d’associer étroitement mises en scène et textes nouveaux.
En mai 1968, ils ouvrirent le théâtre de l'Odéon aux étudiants qui l'occupèrent pendant plus d'un mois. André Malraux ne le leur pardonna pas et les obligea à quitter les lieux avec la compagnie qui donna encore d'étonnants témoignages de sa vitalité : elle investit une salle de catch, l'Élysée Montmartre, puis planta ses tréteaux en transformant la Gare d'Orsay en théâtre d'Orsay (l'actuel musée d'Orsay) puis au Théâtre du Rond-Point.
Tous deux laissèrent aussi quelques personnages inoubliables à l’écran :
Jean-Louis : le tueur de bouchers de Drôle de drame, Bonaparte dans Désirée Clary, Louis XI dans Le Miracle des loups, sans oublier le fascinant Debureau des Enfants du Paradis. Après 1960, sauf La nuit de Varennes où il campait un pittoresque Restif de la Bretonne, on ne compte que peu de bons films.
Parmi sa brillante filmographie Madeleine : Remorques (1942), Lumière d’été (1942) et surtout Le ciel est à vous (1943), trois films de Grémillon, trois grands moments du cinéma français.
Après être reparti tant de fois à zéro sans jamais se départir de leur extraordinaire vitalité et de leur amour, le temps rattrapa ce couple qui ne formait qu’un seul être. Jean-Louis d’abord puis Madeleine huit mois plus tard.
Chacun leur tour, ils furent accompagnés par une foule immense d’abord en l’église Saint-Pierre de Chaillot puis à leur dernière demeure.
Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud furent inhumés au cimetière de Passy. Néanmoins, on sera surpris de passer et repasser devant leur tombe sans les voir.
Leurs noms et dates modestement gravés sur la pierre tombale, laissent la vedette à Louis Ernest Lheureux (1827 – 1898), architecte oublié de la halle aux vins de Bercy (les pavillons de Bercy) dont il ne reste que quelques vestiges classés. J’avoue ne pas avoir fait le lien entre sa présence et la « Famille Derigon », inscrit sur le devant de la sépulture, du nom de jeune fille de la mère de Madeleine Renaud dont le patronyme est gravé en-dessous.