A seize ans, jeune fille au visage ravissant, ne manquant ni d’intelligence ni de finesse, mais gauche et timide, elle attendit 1803 pour qu’on lui confiât enfin un premier rôle important d’ingénue. Et le petit canard de se transformer en cygne tout du moins sur le plan de son jeu car, d'une maigreur à l'aspect souffreteux, la femme séduisante n’apparut qu’à ses trente ans.
Les rôles qu’elle créa pendant ses quinze premières années sont bien oubliés. Mais, le départ de Mlle Contat vint lui offrir un horizon plus vaste avec des rôles de grandes coquettes dans lesquels elle était incomparable. A la tête de cent-neuf créations -dont Hernani de Victor Hugo (1830) où, sortant du répertoire classique, elle acceptait le nouveau drame romantique-, remettant à l’honneur les pièces de Molière qu’elle voulait voir jouer, à son exemple, par les premiers sujets de la Comédie-Française, elle faisait l’admiration de tous, notamment de Napoléon Ier qui la protégea. Bien que victime, à la Restauration, d’une campagne menée contre elle par les royalistes qui ne lui pardonnaient pas sa carrière sous l’Empire, Louis XVIII lui accorda une pension au titre de son talent.
Et elle resta admirable jusqu’à la fin de sa carrière, le 31 mars 1841 où elle donna sa représentation d'adieux dans le rôle de Silvia du Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux.
De surcroît, douée du goût le plus sûr, elle donna, pendant trente ans, le ton de la mode aux femmes élégantes.
A la tête d’une vraie fortune, elle pouvait s’offrir toutes les extravagances : elle jouait en bourse, perdait des sommes énormes, prêtait beaucoup, mais ne laissa pas de dettes derrière elle.
Contrairement à nombre de ses coreligionnaires, elle mena une vie privée discrète même si on lui connait plusieurs amants, notamment Nicolas Bronner (1773-1816), fils d'un officier suisse au service de la France, dont elle eut trois enfants. Des morts successives, celle en bas-âge de son fils -ou de sa fille, selon les sources-, puis celle de sa fille Hyppolite (1800-1820), d’une nièce,…, furent autant de cruels coups du sort qui altérèrent peut-être sa santé.
Victime d’une maladie du foie compliquée par un « ramollissement du cerveau », son agonie dura trois mois. Le soir de sa mort, tous les théâtres parisiens annoncèrent la nouvelle au public. Pendant trois jours, son corps resta exposé à son domicile de la rue Lavoisier où la moitié de Paris, dit-on, se pressa pour le voir.
Le jour de ses obsèques, la Comédie-Française fit relâche et, outre les personnalités, on évalua à plus de cinquante mille personnes celles qui l’accompagnèrent de l’église de la Madeleine à sa dernière demeure.
Mlle Mars fut inhumée au cimetière du Père-Lachaise où elle rejoignit sa fille Hyppolite. La chapelle qui abrite sa tombe semble être restée longtemps à l’abandon puisqu’en 1905 un journal faisait état de l’invraisemblable fatras poussiéreux qu’on y trouvait. A l’intérieur, une colonne surmontée d’une urne à la mémoire de sa fille, Hippolyte (1800-1820).