Justine Favart
Fille de musiciens du roi de Pologne, Stanislas Leszczynski, Justine reçut une éducation soignée sous la protection de ce prince. En 1744, accompagnant sa mère à Paris, elle débuta à la foire Saint-Laurent sous le nom de Mlle Chantilly, première danseuse du roi de Pologne, où elle remporta tous les suffrages. C'est là qu'elle rencontra Charles-Simon Favart.
Sans être vraiment jolie, son esprit, sa finesse et son élégance en faisaient une femme exquise.
Engagée dans la troupe de Favart, qui l’aima d’abord pour la justesse de son jeu, leur relation de travail se transforma en une histoire sentimentale, -et en un mariage en 1745- qui devait s’inscrire dans la légende des vies théâtrales de l’époque tant furent nombreuses les mésaventures du couple à commencer par la plus célèbre, celle due au maréchal Maurice de Saxe.
Justine et Charles-Simon
En 1746, après que Favart eut combattu pour maintenir à flot l’Opéra-Comique, Maurice de Saxe engagea le couple pour diriger la troupe ambulante de comédiens dont il se faisait suivre aux armées afin de soutenir le moral de ses troupes. Charles-Simon dirigea le Théâtre de la Monnaie à Bruxelles (1746-1748) avec un succès éclatant.
Malheureusement, Maurice de Saxe, tombé sous le charme de Mme Favart, mais furieux de la voir refuser ses avances, persécuta le couple pour aboutir à ses fins. Il se vengea d’abord sur le mari en lui retirant sa protection et le contraignant à fuir sans le sou pour échapper à une lettre de cachet. Pendant ce temps, Justine, en fuite après avoir été séquestrée, fut arrêtée et enfermée dans un couvent aux Andelys puis à Angers. Après avoir longtemps résisté au maréchal, il lui céda. Ce roman feuilleton aux rebondissements effarants ne prit vraiment fin qu’à la mort du maréchal (1750).
Revenu à Paris en 1749, avant la mort de leur persécuteur, le couple renoua avec le succès. Justine abandonna la danse et débuta comme actrice à la Comédie-Italienne (1749) où, piquante, son naturel, sa voix douce, sa naïveté et sa grâce lui valurent pendant vingt ans une longue suite de succès.
Actrice novatrice, en s’attachant au réalisme des personnages et à la simplicité de la mise en scène, elle fut une véritable pionnière.
Pouvant représenter différents personnages dans une même journée, passant de la bergère à la sultane, et du Pierrot à la fée, elle contribua à donner plus de vérité à la couleur locale des intrigues.
Sensible, dès son entrée à la Comédie-Italienne, au mauvais goût dominant en matière de costumes, elle comprit la nécessité d’abolir tous les accessoires superflus et resta toujours très attentive aux détails des costumes. Là où « les souliers des paysannes étaient chargés de paillettes attachés avec des boucles de diamant bichonnées jusqu’au sommet de la tête », Mme Favart les mit en sabots. Encore une pionnière.
Egalement musicienne et écrivaine auteur de vers et de contes -parmi ses œuvres, Annette et Lubin, un opéra-comique tiré d’un conte de Marmontel- elle contribua surtout à la composition des pièces de son mari. Si les Favart travaillèrent avec plusieurs collaborateurs, notamment l'abbé de Voisenon, ils s’exercèrent aussi avec bonheur dans l’écriture à quatre mains.
En 1757, par la faveur de la marquise de Pompadour, Charles-Simon prit la direction de l’Opéra-Comique. A ce titre, lorsqu’en 1783, le premier bâtiment de cette institution théâtrale sera construit, il portera le nom de Salle Favart, évènement que ne verra pas Justine.
Devenu l’un des principaux auteurs de livrets d'opéras-comiques, il triompha en particulier dans ceux qu’il réalisa en collaboration avec le compositeur Egidio Romualdo Duni (1708-1775), comme Les Moissonneurs (1768).
Les dernières années du couple furent marquées par les problèmes de santé de Justine. Avec l’âge, son jeu s’était modifié et ses prestations étaient moins bien accueillies.
Malade en 1771, elle trépassa l’année suivante et, selon son désir, fut inhumée le jour même de son décès en l’église Saint-Eustache. Ses restes se trouvent peut-être encore dans l'ossuaire de l'édifice.
Parmi les nombreux hommages qui lui furent rendus, Jacques Offenbach, s’inspirant de sa vie, écrivit un opéra-comique, Madame Favart, créé en 1878.