Quant à la jeune épousée, elle payait en plus son titre de duchesse d’un mari malfaisant, d'une constitution maladive, qu’on l’appelait le « singe vert » en raison de sa grande laideur, et qui, grand débauché, la trompait ouvertement en fréquentant les bordels. Pour cette passionnée de musique et de danse, qui avait hérité l’esprit vif et caustique de sa mère, quelle désillusion ! Comme consolation, elle trouvait du réconfort auprès de ses parents et du Grand Condé, qui la considérait comme sa fille. Elle resta toujours très proche de sa mère qu'elle visita souvent après le départ forcé de celle-ci de la cour.
Contre toute attente, elle survécut à la petite vérole qui emporta le Grand Condé venu la veiller en lieu et place de son odieux mari dont elle fut enfin débarrassée par sa mort d'une attaque d'apoplexie, alors qu'il passait en carrosse le pont Neuf à Paris (1710).
Désormais duchesse douairière de Bourbon, elle plaçait de grands espoirs dans le règne à venir du Grand Dauphin, quand celui-ci décéda prématurément. Dorénavant libre, encore bien jolie, un rien provocatrice et redoutée pour son esprit mordant, malgré quelques débordements amoureux et les travers de sa progéniture, le jeune Louis XV appréciait celle qu’il considérait comme sa grand-mère, et qui restait l’une des rares personnalités de la cour à appartenir au temps de Louis XIV et à être admise dans le cercle intime de la famille royale. Femme d’affaires avisée, la fortune qu’elle gagna avec son amant et conseiller, le marquis de Lassay (1652-1738), grâce au système de Law, lui permit de faire édifier le palais Bourbon où siège l’Assemblée nationale.
Bien que négligée par son époux, elle donna naissance à neufs enfants* qui atteignirent tous l'âge adulte, et sur lesquels elle n’eut que peu d’influence. Néanmoins, elle veillait à leurs intérêts, ce dont elle fut fort mal récompensée en retour à cause des scandales que la plupart d’entre eux provoquèrent.
Ses filles n’avaient pas reçu une bonne éducation et certaines multipliaient les scandales amoureux, ruinant leur chance de faire un bon mariage. Ses fils ne firent guère mieux.
*Il se dit que sa fille aînée et sa cadette pourraient être le fruit d’amours adultérines.
Devenu son refuge face aux tourments et tracas, le palais Bourbon fut aussi le lieu de son trépas. Elle fut inhumée au couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques que les Condé avaient toujours protégé. Son vœu d’être enterrée sans aucune cérémonie ne fut pas respecté. Quatre archers, un écuyer cavalcadour, cent pauvres, deux Suisses à cheval portant des flambeaux, domestiques et femmes de chambre dans un carrosse, écuyers dans d’autres, l’évêque de Valence dans un carrosse drapé, vingt-six valets de pied, et six pages précédaient son corbillard à six chevaux caparaçonnés. Venaient encore des valets de pied, le carrosse de emmenant sa fille, la princesse de Conti, et la duchesse d’Aiguillon, etc., tel fut son cortège.
Dans son oraison funèbre, l’évêque de Valence dira : « Ornement de la cour, elle a enchanté le monde par toutes les vertus que le monde admire, elle en a fait les délices par les bontés de son cœur et la douceur de son caractère ».
Son tombeau, signé Monmerqué, disparut à la Révolution.