Simple roturière, Manon avait souffert des humiliations subites dans cette société fondée sur le privilège. Autant de sentiments qui la firent aborder la Révolution avec exaltation.Trop sans doute, car on ne peut nier un esprit brouillon et un manque de discernement politique.
Nul n’étant parfait, ces défauts eurent été sans conséquences si Manon n’était pas devenue l’égérie des Girondins qu’elle influença, pour leur malheur, avec des conseils qu’inspiraient souvent des anticipations absurdes. Ces conseils, Manon les dispensait dans son salon qu’elle tint de juin 1791 à juin 1793. Ce fut le seul salon tenu avant Thermidor. Au début, de nombreuses personnalités du moment le fréquentaient, parmi lesquelles Robespierre. C’était avant les ruptures sans retour.
Manon laissait libre cour à ses passions et à ses haines notamment celle de Danton avec qui elle engagea un bras de fer qu’elle perdit. Si on ne peut lui imputer la totale responsabilité de la perte des Girondins et de la sienne, disons qu’elle y participa en bonne partie. Mais elle avait tant de charme et d’allant, comment lui résister ? Ce que ne sut pas faire Buzot qui en tomba éperdument amoureux et que Manon aimait. Amour que vivait douloureusement son mari, Jean-Marie Roland de la Platière, de vingt ans son aîné, qu’elle avait épousé en 1780. Le couple vivait de façon monotone quand la Révolution le réveilla. Jusqu’à la chute des Girondins, Roland sut profiter de l’influence de sa femme. Mais les choses se gâtèrent. Le 31 mai 1793, lors de la proscription des Girondins, Manon, au lieu de fuir, resta à Paris. Arrêtée dès le lendemain, elle fut incarcérée à la prison de l’Abbaye d’où, enfin séparée de son « vénérable vieillard » de mari, elle écrit des lettres passionnées à Buzot.
Le 8 novembre, ce fut le rendez-vous ultime avec le Tribunal révolutionnaire. Accusée de témoigner de la sympathie pour les Girondins réfugiés à Caen, elle fut impliquée dans leur procès, alors que nombre d’entre eux avaient déjà été exécutés. Vêtue de blanc, ce fut seule et se sachant perdue qu’elle fit face à ses juges. Condamnée par avance, elle n’eut pas à se défendre.
Manon sut mourir avec beaucoup de courage à la manière de ces héros antiques qu’elle avait tant admirés. En apprenant la mort de sa femme, Jean-Marie se suicida.
Le 24 juin, on la libéra pour de nouveau l’arrêter une heure plus tard. C’était fini. Manon ne retrouva plus la liberté. Enfermée à Sainte-Pélagie puis à la Conciergerie, elle put bénéficier de quelques privilèges comme obtenir de quoi écrire. Elle en profita pour rédiger ses Mémoires, destinées à sa fille Eudora, qui en apprendront beaucoup sur sa vie et sa personnalité.