Ressemblant à son père par les traits du visage, l'esprit et un peu trop par la légèreté des mœurs, Louis XIII lui témoigna des sentiments fraternels. Mais, au lieu de destiner ce bouillant jeune homme à la carrière des armes, il lui donna des abbayes et des dignités ecclésiastiques. Ainsi, en 1620, Antoine devint-il abbé commendataire de Saint-Étienne de Caen. Dépourvu de vocation cléricale, durant les douze années qu’il passa à la tête de l’abbaye, il profita de ses richesses au grand dam des religieux qui lui reprochaient de ne pas débloquer les fonds nécessaires à leurs besoins personnels et à la reconstruction des bâtiments, ruinés par la guerre de religion.
Epris un temps de la duchesse de Chevreuse, l’éternelle comploteuse, et proche de son demi-frère, Gaston d'Orléans, il prit le parti de ce dernier contre Richelieu. Le cardinal le fit condamner pour crime de lèse-majesté à être dépouillé de tous ses biens et le comté de Moret fut réuni au domaine de l'Etat.
Entre vengeance et rêves de gloire militaire, lorsque Henri Montmorency et Gaston d’Orléans levèrent l'étendard de la rébellion, Moret n’hésita pas. A la bataille de Castelnaudary, le 1er septembre 1632, alors qu’il commandait l'aile gauche de l'armée, il s’exposa imprudemment et fut blessé ou tué d’un coup de mousquet à l’épaule.
Une véritable énigme historique
Tué ou blessé ? Il parait aberrant que sa dépouille parmi les morts n’ait pas été identifiée puis inhumée convenablement comme le prince qu’il était.
Donc blessé.
Selon les uns, transporté dans un carrosse de Gaston, il mourut trois heures plus tard. L’abbaye de Prouilhe (commune de Fanjeaux dans l’Aude), située à une vingtaine de kilomètres au sud de Castelnaudary, est le seul lieu jamais avancé comme possible. S’il y décéda, il est probable qu’il y fut inhumé.
Selon les autres, il survécut et se fit un ermite en Anjou sous le nom de frère Jean-Baptiste. Cette thèse s’appuie, entre autres, sur l’existence d’un pauvre anachorète qui faisait mystère de son nom et qui n'avait d'autre ambition que de vivre caché.
En 1687, Louis XIV, ayant entendu parler du mystérieux personnage, ordonna une enquête dont le marquis de Chabannes, secrétaire d'Etat, chargea l'abbé d'Asnières. L'ermite se refusa à dire s'il était ou pas le fils d’Henri IV. Louis XIV respecta le mystère dont il s'entourait : « C'est un homme de bien, il veut rester inconnu, il faut le laisser en paix et ne pas s'opposer à ses desseins ». Ce solitaire inconnu, mourut en 1691, en odeur de sainteté.
Au regard du sort peu enviable qui attendait Henri de Montmorency après l’échec de la rébellion, on peut envisager que, s’il survécut, le comte de Moret ait préféré se faire oublier dans l’anonymat le plus complet avant de sincèrement se consacrer à Dieu. Faute de preuve du contraire, cette hypothèse n’est pas plus fantaisiste qu’une autre.
Une chose est certaine : on n’a jamais retrouvé la moindre trace officielle du corps d’Antoine de Bourbon, comte de Moret.