Châtelaine et Dame de Beauté, son influence sur le roi fut souvent heureuse car elle parvenait à le guérir de ses dépressions et à l’encourager dans son œuvre de redressement du royaume. La reine elle-même « préfère une rivale soucieuse du bien de l’Etat à une ambitieuse ».
Toutefois, son goût du faste, que corrigeait une grande bienfaisance, pesait lourdement sur les maigres finances du royaume.
Tout irait pour le mieux, si le dauphin, futur Louis XI, peu sensible au bien être de son père, ne lui créait pas mille difficultés à la cour de Chinon. Il détestait Agnès. Lassée ou voulant avertir Charles d’un complot contre lui, elle quitta Loches pour la Normandie où le roi combattait les Anglais. Et sa rivale, Antoinette de Maignelais, était-elle avec lui ? Elle était enceinte pour la quatrième fois. Arrivée au manoir du Mesnil-sous-Jumièges, près de Rouen, elle fut soudainement prise d'un « flux de ventre » et mourut en quelques heures, non sans recommander son âme à Dieu et à la Vierge Marie. Elle eut le temps de léguer ses biens à la collégiale de Loches, pour que des messes y soient dites pour le repos de son âme, et à l'abbaye de Jumièges.
Sa mort fut si rapide qu’on crut à un empoisonnement dont on accusa Jacques Cœur, qu'elle avait désigné comme exécuteur testamentaire, avant qu’il ne soit lavé de ce soupçon.
Avant son embaumement, on préleva son cœur qui fut déposé dans le chœur de l’abbaye de Jumièges sous un magnifique mausolée de marbre noir.
Magnifiquement coiffée, vêtue avec simplicité et sans aucun bijou, on déposa sa dépouille dans un triple cercueil de chêne, de cèdre et de plomb qui fut ramenée à Loches.
Agnès Sorel fut inhumée en grande pompe dans un splendide tombeau en la collégiale de Notre-Dame de Loches, actuelle collégiale Sainte-Ours.
Avec elle, on inhuma son dernier enfant dont on ne sait s’il était mort-né, né lors du fausse-couche ou s’il vécut temporairement (les analyses de 2004 indiquèrent qu’il avait sept mois).
Les chanoines, en vertu du testament d’Agnès qui leur léguait une grande partie de ses biens, devaient veiller à son repos éternel.
Quelques années plus tard, les chanoines, oublieux des dons de leur bienfaitrice, demandèrent à Louis XI de déplacer le mausolée qui, prenant beaucoup de place dans le chœur, les gênait pour les célébrations du culte. Malgré ses anciens sentiments pour la maîtresse de son père, le roi refusa. Plus exactement, le rusé biaisa. A tombeau bougé, donations stoppées ! Curieusement les chanoines n’insistèrent pas…
Onze rois plus tard, sous Louis XV, les chanoines réitérèrent leur demande. Louis XV était enclin à accepter, mais se méfiant des affronts posthumes dont pourraient souffrir ses favorites dans le futur, il écrivit : « Néant, laisser le tombeau où il est » en marge de la lettre par laquelle les chanoines requéraient la relégation du mausolée dans une chapelle latérale.
Ne désarmant pas, en 1777, ils s’adressèrent à Louis XVI qui accepta ce que tous ses prédécesseurs avaient refusé.
Le tombeau fut descellé. On y trouva des résidus aromatiques, les restes d’une dentition très bien conservés ainsi que des cheveux blonds cendrés tressés dans le dos. Ces débris furent mis dans une urne en grès déposée dans la sépulture déplacée. L’ouverture de la tombe fut aussi l’occasion de divers prélèvements dont des dents pour servir de prothèse dentaire…
Les restes d’Agnès Sorel
A la Révolution, des soldats des bataillons de l’Indre, dont les connaissances historiques n’égalaient pas leur zèle révolutionnaire, confondirent Agnès avec une sainte et profanèrent le tombeau. L’urne contenant ses restes fut enterrée dans le cimetière près de l’église.
En 1801, l'urne fut récupérée et placée dans le bâtiment de la sous-préfecture et remise dans son tombeau après la restauration de celui-ci en 1809.
Lors de l'ultime déplacement de son tombeau envisagé en 2004, il fut décidé de profiter de l’opportunité pour effectuer des analyses afin de répondre aux questions suivantes : s’agissait-il bien d’Agnès Sorel, déterminer l’année de décès, connaître son état de santé avant sa mort et surtout, avait-elle été empoisonnée. L’ouverture de l’urne laissa apparaitre un crâne reposant sur un lit de poussières et de débris grisâtres.
Suite à de très nombreuses analyses des plus modernes : ADN, toxicologie, parasitologie, etc. l’authentification d’Agnès fut possible ainsi que sa date de décès qui correspondait à la fourchette indiquée par les scientifiques. Ses quatre enfantements furent avérés dont le dernier puisqu’on trouva dans l’urne les restes d’un squelette fœtal de sept mois.
Les résultats mirent au jour qu’Agnès était atteinte d’une infection parasitaire, l’ascaridiose, provoquant de terribles douleurs et pouvant entrainer la mort. Bien que traitée, Agnès connut un vrai calvaire. Aurait-on profité de cette maladie pour l’empoisonner ?
Aucune trace d’arsenic. En revanche, les traces de mercure trouvées déterminèrent au moins un élément : il s’agissait d’une intoxication aiguë et non chronique. Les sels de mercure étaient utilisés depuis des siècles pour traiter les parasites intestinaux. Fut-elle victime d’une erreur de posologie ? Cette dose massive de mercure provient-elle de soins donnés à son cadavre pour son transport ? Assassinat ?
Les conclusions scientifiques s’arrêtent là. Si elles ont apporté des réponses, elles n’ont pu résoudre la principale question que seule l’Histoire révèlera peut-être un jour en livrant le nom du, de la ou des coupables.
Lors de ces examens, une reconstitution de son visage fut réalisée par la gendarmerie à partir de son crâne qui démontra que sa réputation de Dame de Beauté n’était pas usurpée.
Le 2 avril 2005, la magnifique courtisane reprit le chemin de son lieu de sépulture d’origine où elle repose depuis avec ses troublants secrets.