► Jacques de Brézé (v. 1440 - 14 août 1494)
Abbaye de Coulombs (Eure-et-Loir)
Fils de Pierre de Brézé, il prêta hommage à Louis XI dès son sacre (1461). Marié, en 1462, à Charlotte de Valois (v.1446 – 1477), fille de Charles VII et d'Agnès Sorel, la carrière à laquelle il pouvait prétendre comme « grant seneschal et general refformateur des pays et ducie de Normandie » fut stoppée net car il est surtout connu pour avoir… assassiné sa femme et son amant.
Deux versions des faits se télescopent mais arrivent au même drame dans la nuit du 31 mai 1477.
-Soupçonnant Charlotte d’adultère avec son frère de lait et ami Pierre de Lavergne, il quitta son château de Rouvres (Eure-et-Loir) , en faisant croire à une chasse à courre au sanglier, mais revint la nuit et surprit les deux amants dans la ferme de la Couronne, un rendez-vous de chasse dans la forêt d’Anet. N’écoutant que sa fureur, il transperça d’abord Lavergne de son épée avant d’occire Charlotte.
-L’autre version, où il ne soupçonnait rien, veut qu’après avoir chassé toute la journée dans la forêt d’Anet accompagné de sa femme, le couple rentra le soir à la ferme de la Couronne. Trouvant un prétexte, Charlotte ne suivit pas son mari dans le lit conjugal et partit rejoindre Lavergne dans une chambre au-dessus de celle de Brézé. Ce dernier,qui ne devait dormir que d'un oeil, surprit les deux amants et les tua.
Les circonstances flagrantes dans lesquelles étaient morte Charlotte n’autorisant pas des funérailles en rapport à son rang, elle ne put bénéficier que d’un service minimum.
Très souvent, on trouve qu’elle fut inhumée de suite en l’abbaye de Coulombs où elle avait fondé sa sépulture. Mais, il semble en réalité qu’elle ait d’abord reposé en l’église de Rouvres en attendant la permission octroyée par l’évêque de rejoindre l’abbaye en 1530.
Lavergne aurait été inhumé au cimetière de Rouvres.
Quant à Jacques de Brézé, privé des sacrements de l’église pendant trois ans, il fut aussi condamné à la pénitence publique.
Devant faire face à la justice des hommes qu’exigeait Louis XI, le parlement de Paris, tenant compte des circonstances de son crime, le condamna à payer une amende de 100 000 livres tournois. Sa peine fut commuée en emprisonnement de 1477 à 1481, avec saisie de ses terres par Louis XI qui les rendit à son fils aîné, Louis de Brézé, qui était tout de même son neveu par la cuisse gauche !
A sa libération, réduit à un maigre train de vie, ce grand chasseur composa un poème sur la vénerie, intitulé La Chasse, ainsi qu’un autre en l'honneur de son chien favori : Le livre de la chasse du grant seneschal de Normandie. Les Ditz du bon chien Souillard qui fut au roy de France, XIe de ce nom. On lui connait aussi un poème Louanges de Madame Anne de France adressé à Anne de Beaujeu durant sa régence.
Entre temps, après la mort de Louis XI, il se pourvut contre sa condamnation et obtint de Charles VIII ses lettres de rémission* en 1486. Il mourut en 1494. *Acte de la chancellerie par lequel le roi octroyait son pardon à la suite d'un crime ou d'un délit, arrêtant ainsi le cours ordinaire de la justice, qu'elle soit royale, seigneuriale, urbaine ou ecclésiastique.
Comme preuve de l’oubli de son injure, il avait demandé à être inhumé auprès de sa femme. Ses restes furent transférés en 1530 dans le chœur de l’abbatiale de Coulombs sous une tombe de cuivre. Dévastée à la Révolution, leurs cendres furent transférées en 1816 dans une tombe invisible de la chapelle des fonds baptismaux de l'église de Saint-Chéron de Nogent-le Roi (Eure-et-Loir).
Ce que l’on ignore souvent est que Louis de Brézé fit ériger un magnifique monument à la mémoire de ses parents dans la cathédrale de Rouen. Attribué à Jean Cousin, il n’existe plus rien de ce cénotaphe, sauf une description faite par Alexandre Lenoir.