Théâtre forain, lecture de poèmes dans la cage aux lions d'un cirque, cabaret montmartrois (Le Lapin agile de Frédé), etc., furent autant d’expériences qui le menèrent à se frotter à Shakespeare au théâtre de l’Odéon, et à triompher, en 1911, au théâtre des Arts dans le rôle de Smerdiakov des Frères Karamazov, mis en scène par Jean Copeau qu’il suivit quand ce dernier créa le théâtre du Vieux Colombier en 1913. Après la Première Guerre mondiale, l’aventure continua avec Copeau au Garrick Theater de New York.
En 1921, sous le nom d’Atelier, il inaugura sa carrière de professeur et mit en scène des pièces d’auteurs contemporains et étrangers sans pour autant exclure les classiques. Malgré le succès, ce n’était pas la fortune : sa soif de découvertes étant plus forte que l’appât du gain, il n’hésitait pas à arrêter un spectacle, qui attirait le Tout-Paris, pour lancer un nouvel auteur auquel il tenait.
Avant la faillite, la réputation de ses cours, basés sur l'improvisation, le mime et l’étude des classiques, avait attiré une pléiade d’élèves parmi lesquels, Jean Marais, Jean-Louis Barrault qui dira : « Il ne nous enseignait pas. Il nous greffait », Jean Vilar, Alain Cuny , Marcel Marceau qui dira :« Il projetait ses mots comme on projette un geste », et tant d’autres.
Puis, en 1927, aspirant au renouveau du théâtre, il créa « le Cartel des Quatre » avec Louis Jouvet, Gaston Baty et Georges Pitoëff qui, comme lui, souhaitaient rompre avec le mercantilisme du boulevard au profit d'un jeu plus naturel et de la prééminence du texte.
La Seconde Guerre mondiale stoppa l’expérience mais pas la carrière de Dullin qui publia dans La Gerbe, journal ultra-collaborateur, et accepta de diriger le théâtre de la juive Sarah Bernhardt, rebaptisé pour un temps théâtre de la Cité, avant de reprendre son nom après la guerre et de devenir l’actuel Théâtre de la Ville.
Aux sirènes d’Hollywood, il avait préféré son théâtre et, de son propre aveu, s’il tourna pour le cinéma français, ce fut surtout pour garnir les caisses de l'Atelier autour duquel tournaient les créanciers. Pourtant, en quatorze films, le 7ème art lui doit quelques saisissantes apparitions où son corps voûté, son visage anguleux et chafouin, et sa voix frêle servirent à merveille des rôles ingrats comme ceux de Louis XI dans Le Miracle des loups (1924), du Thénardier des Misérables (1933), de l’usurier de Volpone (1938), ou encore de l’amateur de photos de nus dans Quai des Orfèvres (1947).
Après l'échec financier du théâtre Sarah-Bernhardt, Dullin termina sa carrière comme il l'avait commencée, en simple acteur.
Alors qu'il s'exténuait à jouer Harpagon dans L’Avare de Molière, il fut transporté à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) où il mourut.
Depuis 1930, il possédait une résidence à Férolles, hameau de Crécy la Chapelle. C’est dans un autre hameau de cette même commune, Libernon, que fut inhumé celui que Barrault appelait le « Van Gogh du théâtre ». Sa tombe, la plus grande du cimetière à ce jour, est une œuvre de l’architecte et scénographe Pierre Sonrel (1903-1984).