Mauvais, il l’était. Ni son intelligence ni sa vivacité d’esprit, ni sa grande éloquence ne pouvaient faire oublier son incommensurable orgueil, son art de dissimuler, sa perfidie, sa cruauté et aussi son art consommé de se prendre les pieds dans ses propres pièges ce qui, par ailleurs, restait surtout dommageable pour sa personne.
Pour se l’attacher, Jean II n’avait pas trouvé mieux que de lui faire épouser sa fille aînée, Jeanne, qui n’avait pas neuf ans, alors que le Mauvais en affichait déjà presque vingt. Le contrat de mariage était correct pour les deux parties, sauf, qu'au fur et à mesure du temps, Jean II semblait ne pas tenir compte des engagements pris vis à vis de son gendre.
Mais quelque aurait pu être le comportement de Jean II vis à vis de son gendre, rien n’aurait pu éteindre sa frustration dans laquelle il puisa toute sa vie sa haine de la famille royale.
Malgré l’envie de faire exécuter cette bête nuisible, le roi dut se contenter de l’emprisonner, de mettre sur le billot la tête des comparses de cet éternel comploteur et de signer des traités et encore des traités pour tenter de le neutraliser.
Quand Jean II fut retenu comme otage en Angleterre, le Mauvais se rallia à Etienne Marcel et aux Anglais. Jamais occasion d’un coup d’état le plaçant sur le trône ne fut si proche de se réaliser. Mais elle échoua.
Il fallut attendre le règne de Charles V, l’intervention de la discrète Jeanne d’Evreux et celle plus musclée de Du Guesclin pour qu’enfin, en 1371, le Mauvais se fasse plus discret ; tout du moins en apparence. En 1378, à la faveur de la guerre en Castille, le bruit courut qu’il voulait faire empoisonner le roi. Celui-ci fit arrêter un des chambellans du Mauvais sur lequel on découvrit des papiers le compromettant avec l’Angleterre. Puis, sous la torture le chambellan avoua tout ce que le roi voulait entendre. Après le passage lapidaire de Du Guesclin qui suivit dans ses domaines, le Navarrais était ruiné et abandonné par l’Angleterre. Politiquement et financièrement fini, il disparut dans d’atroces circonstances. Un jour, fortement épuisé à cause de ses débauches, il s’évanouit. Ses médecins préconisèrent de l'envelopper dans un drap imbibé d'eau-de-vie afin de le ranimer. Une chandelle était un peu trop près et ce descendant de Saint-Louis dupé par l’Histoire, et surtout par lui-même, mourut brûlé vif.
Dans le respect de son testament, Charles II le Mauvais fut inhumé en la cathédrale Santa Maria la Royale de Pampelune. Ses restes, comme ceux d’autres monarques navarrais, se trouvent dorénavant dans une caisse placée dans une crypte sous le tombeau de son fils, Charles III de Navarre.