Maintenant qu’il était Charles V roi de France, il lui fallait conquérir son pouvoir toujours remis en cause par les Anglais et Charles de Navarre. Heureusement, pour y arriver Charles put compter sur celui qui fut son meilleur ami en la circonstance : lui-même.
Homme posé, méthodique, doté d’une grande patience, préférant travailler dans son étude plutôt que de gigoter au vent de façon stérile, Charles avait tout pour être reconnu comme un sage. Au grand soulagement de ses contemporains, il le fut. Là où son père se montrait faible, Charles, soutenu par sa femme, fut d’une fermeté sans faille. Maîtriser les compagnies qui continuaient à parasiter le royaume, éviter l’éclatement du royaume qui menaçait, rétablir la paix tels étaient ses paris à relever. Il put compter sur des hommes, mais un, parmi eux, ou plutôt une légende, allait l’aider à parvenir à ses fins : le célébrissime Bertrand Du Guesclin. Grâce à une armée « de métier » solidement organisée et encadrée, après des années d’efforts pendant lesquelles les Anglais furent expulsés de nombreuses places fortes qu’on se hâtait de fortifier, la paix se profilait mais la mort du roi aussi.
Depuis toujours, Charles souffrait de nombreux maux dont la goutte. A plusieurs reprises son état santé avait inquiété son entourage. Son âge, sa fonction et la situation du royaume, qui ne lui laissaient aucun répit, aggravaient les choses. La mort de sa femme l’avait aussi beaucoup touché.
Dans la nuit du 13 au 14 septembre 1380, une crise cardiaque le terrassa. Le 16 au matin, il fit réunir autour de lui des représentants de confiance des trois ordres pour leur faire ses dernières déclarations. Dans une ultime ordonnance, il supprimait la plupart des impôts qu’il avait prévu de lever. A midi il expirait dans les bras de son ami Bureau de la Rivière revenu à bride abattue du Mans au château de Beauté-sur-Marne.
Le plus exceptionnel chez Charles fut, outre sa capacité à bien s’entourer, le grand mouvement de réflexion qui accompagna une nouvelle phase de l’idéologie royale. Il avait ouvert le chemin qui conduit à l’Etat de droit.
Malgré ce redressement presque miraculeux, il restait beaucoup à accomplir pour solidifier une situation encore bien fragile. Charles V était mort trop tôt. La suite des évènements allait hélas le prouver.
Comme il l’avait souhaité, après toutes les cérémonies, Charles fut inhumé près de son cher Du Guesclin et aussi de son épouse en la basilique Saint-Denis. Ses fils étant restés à Melun loin de l’épidémie de peste qui sévissait encore à Paris, seuls ses frères l’accompagnèrent en sa dernière demeure.
De son vivant, Charles avait choisi une chapelle dédiée à Saint-Santin qu’il plaça sous le vocable de Saint-Jean-Baptiste qui prit par la suite le nom de chapelle Charles V, ou caroline. Fermée par une grille, elle se situait à peu près là où se trouvent de nos jours les gisants du roi et de ses proches.
Près de lui, ses descendants, ses plus fidèles serviteurs et sa femme dont le gisant était représenté près du sien sur un mausolée commun, œuvre d'André Bonneveu.
De ce magnifique monument, il ne reste que le gisant du roi, dont le visage fut refait, conservé plusieurs années au Musée des Monuments français, ainsi que des fragments au musée du Louvre.
Février 2017 : Les lions du tombeau.
A l'origine, deux lions, aux pieds du roi, ornaient le monument. Disparus à une date et dans des circontances inconnues, ils furent achetés, en 1802, par un aristocrate anglais, Thomas Neaveen. On ne connaissait leur existence que par une gravure de Gaignières. A la surprise générale, ces lions viennent de réapparaître à l'occasion d'une vente aux enchères organisée par Christie's qui aura lieu au mois de juillet prochain. Espérons que la France manisfeste son intérêt pour cette découverte et, dans ce cas, qu'elle puisse l'acquérir afin que ce témoignage de l'art funéraire de cette époque retrouve la place qu'il n'aurait jamais dû quitter. Preuve, s'il en était besoin, que tout ne fut pas perdu pour tout le monde lors du démantèlement de 1793...