Les restes de Jean sans Peur
Avril 1792. Après que les chartreux eurent été chassés de la chartreuse, les trois caveaux composant la crypte ducale furent profanés.
Le laxisme du Directoire du département dura jusqu’en mars 1792. Le nouveau propriétaire de la chartreuse impatient de prendre possession de son bien, on donna enfin l’ordre de transférer les restes mortels des ducs et des leurs dans deux cryptes situées sous les tours de la cathédrale Saint-Bénigne.
Mais, les entrepreneurs chargés de ce transfert s’estimant mal payés, s’acquittèrent de leur mission d’une façon « désinvolte voire scandaleuse » : l’un d’entre eux, Deleu, aurait décidé de se payer avec le plomb de huit cercueils, ne conservant que le neuvième pour y entasser les ossements provenant de tous cercueils, enfin presque car selon Deleu, le corps de Philippe le Bon avait disparu probablement en 1791. Nous voilà donc avec huit cadavres.
Anecdotique, direz-vous, sauf que depuis le mystère plane et que la polémique fait rage sur l’emplacement des restes de Jean sans Peur.
1841 : Voulant s’assurer que la dépouille de Philippe le Bon avait hélas bien disparu, la Commission des Antiquités du département de la Côte d’Or réclama une exhumation ainsi que des cérémonies pour rendre aux Grands ducs d’Occident les honneurs funèbres dont ils avaient été lors de leur transfert.
Un témoin du transfert de 1792, indiqua alors l’endroit exact où les restes ducaux avaient été jetés dans le sous-sol de la cathédrale.
L’autorisation est accordée en juin 1841 par le ministère des Cultes. Les prospections commencèrent. Après avoir rechercher les restes de Philippe le Hardi, on s'occupa de ceux de Jean sans Peur.
On retrouva des ossements au milieu des gravats avec des restes de cilice, d’une robe de chartreux, de cuirs et de matières résineuses
L’ensemble fut recueilli et examiné par trois médecins puis comparé avec des sources écrites.
A l’aide de fils métalliques, le squelette fut reconstitué laissant apparaître un homme d’une cinquantaine d’années mesurant 1,80 m environ et de constitution athlétique avec un crâne portant une lésion. CQFD : il s’agissait bien de Jean sans Peur.
On reconnut d’autres restes qu’on attribua à Marguerite de Bavière…
Le 27 juillet, en présence des autorités civiles et religieuses, les ossements de Jean Sans Peur, replacés dans un nouveau cercueil, furent déposés déposé dans son caveau après la célébration d’une messe des morts et la bénédiction.
1904. Depuis 1841, des érudits contestaient les interprétations de l’époque. A l’occasion de travaux, on rouvrit le cercueil de Philipe le Hardi pour trouver…un corps de femme !
Devant ce coup de théâtre, l’identification de Jean sans Peur fut remise en cause. 1, 80m ? Selon ses contemporains, Jean sans Peur était plutôt de petite taille, alors que le Hardi lui, était grand… Une robe de chartreux ? Aucun document n’indiquait que le duc Jean ait été enterré avec une robe de chartreux, alors que c’est bien le cas pour Philippe le Hardi.
Bref, qui était qui, où était qui, et la dépouille de Philippe le Bon réputée disparue, ne pourrait-elle pas être là ? A ce sac de nœuds, si vous rajoutez les témoignages différents des uns et des autres sur les caveaux d’inhumations : tour nord, tour sud, sous les fonts baptismaux…
Je vous fais grâce de la suite des détails de cet imbroglio auquel seule une expertise scientifique pourrait mettre fin.
En attendant cette éventualité, une plaque près des fonts baptismaux se contente de rappeler qu’une partie des restes des ducs de Bourgogne et des membres de la famille ducale reposent là.