Cependant, dès ses Dialogues de mort (1683) se manifestèrent son originalité et son indépendance de pensée, cachées toutefois par la froide sérénité de la forme.
En 1686, avec les Entretiens sur la pluralité du monde, il trouva sa véritable place entre les savants et les gens du monde. Il s’imposa aussi par la sûreté et la diversité de ses connaissances (mathématiques, géométrie, physique, astronomie, médecine) et par sa vision tranquille du progrès du monde moderne, due aux découvertes de Copernic et de Descartes, qu’il fit pénétrer dans la mentalité de son temps.
En 1686 et 1687, paraissaient deux livres qu’on peut considérer comme la première manifestation nette de l’esprit nouveau qui allait triompher au 18ème siècle : L’Origine des fables, où les mythes religieux des Anciens sont regardés comme autant d’inventions de la niaiserie humaine, et l’Histoire des oracles.
Lorsqu’éclata la fameuse querelle des Anciens et des Modernes, ce fut bien évidemment dans le camp de ces derniers qu’il se rangea, ce qui ne facilita pas son entrée à l’Académie française où il finit par être reçu en 1691 après quatre refus.
Après la publication des Poésies pastorales (1688) et la représentation, avec succès de deux tragédies lyriques, Fontenelle abandonna la littérature de divertissement durant une trentaine d’années pour entamer la seconde et la meilleure époque de son talent.
Cartésien, dégagé de toute idée préconçue, toujours homme de salon, mais épuré de son faux goût, membre de l’Académie des Sciences (1697), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (1701), il consacra la grande part de son temps à sa correspondance avec divers savants étrangers, et surtout à la rédaction des ouvrages suivants : Histoire du renouvellement de l’Académie royale des sciences en 1699 (1715), et de son chef-d’œuvre, ses soixante-dix Eloges des académiciens (1715).
Incorrigible, il réitéra ses exploits dans la tragédie qui étaient tout aussi médiocres que les premiers.
Vieillard heureux, un peu intimidé devant les audaces du nouveau siècle, il faisait toujours preuve d’un trait d’esprit acéré dans les salons d’Adrienne Lecouvreur, de Mmes Geoffrin ou Helvétius. Refusant les richesses, les dignités et même la place de président perpétuel de l’Académie des sciences que lui offrait le Régent, Fontenelle restait jaloux de son indépendance. Mort centenaire, moins un mois, son intelligence souple et lucide permit d’effectuer la transition des lettres et des sciences entre les 17ème et 18ème siècles, le tout servi avec une clarté et une élégance exceptionnelles.
Jean-Baptiste Marduel, à qui l'on doit une grande partie des richesses de l’église Saint-Roch et curé de cette paroisse dont dépendait Fontenelle demeurant rue Saint-Honoré, vint l’assister pour ses derniers instants.
Comme l’atteste le registre des inhumations de Saint-Roch,
« L’an mil sept cent cinquante-sept, le dix janvier, a été inhumé en cette église le corps de M. Bernard Le Bouyer, sieur de Fontenelle, doyen des Académies françoise des sciences et belles-lettres, garçon décédé hier rue St-Honoré, (près de l’Assomption*) âgé de cent ans moins un mois. »
*Il s'agit de l'église Notre-Dame-de-l'Assomption, actuelle église polonaise de Paris
Tous les indicateurs laissent à penser que son inhumation fut modeste.
Bien qu’il n’y ait aucune raison de remettre en cause ce document, unique trace officielle de l’inhumation de Fontenelle, parce qu’on ne retrouve pas son nom cité dans d’autres listes et ouvrages, le doute existe sur son lieu de sépulture.
- C’est oublié que comparé au nombre considérable de personnes inhumées à Saint-Roch, il ne reste que peu de témoignage de leur présence y compris celle de célébrités.
Préférant l’église au cimetière ou au charnier, beaucoup de paroissiens demandèrent à être enterrés dans l’église avec ou sans épitaphe. Vers 1708, on fit une grande cave commune dans la chapelle de la Vierge dans laquelle s’entassèrent des centaines de cercueils et qui lui servit probablement de tombe si ce n'est dans une autre.
- C’est aussi oublié que l’église connut encore bien des travaux après le décès de notre philosophe qui peuvent avoir occasionné la disparition d'épitaphes, à supposer que Fontenbelle en ait posséder une.
- C'est encore oublié qu'après les recherches des principaux auteurs sur le sujet des 19ème et début du 20ème siècle, ceux qui suivirent se basèrent sur leurs travaux reprenant souvent les mêmes omissions voire les mêmes erreurs, sans creuser davantage. Même Jacques Hillairet, célèbre, entre autres, pour son Les 200 cimetières du vieux Paris, a puisé dans les mêmes sources que je croise régulièrement.
Bref, excepté un acte d’inhumation, il ne reste rien d’autre pour la majorité d’entre eux ce qui est tout à fait banal.
On pourrait rajouter des petits détails au dossier, comme le fait que Saint-Roch ne possédait pas de succursale. Pour ma part, sauf preuve du contraire, Fontenelle a bel et bien été inhumé à Saint-Roch.