Adrienne, délicate et cultivée, s’employa de son mieux à lui enseigner les bonnes manières mais échoua quant à l’orthographe. Parmi ses amitiés solides et sûres, Adrienne comptait aussi Voltaire.
La mort d’Adrienne reste encore entourée de mystère.
On dit qu’elle mourut soit du chagrin que lui causaient les infidélités de Maurice de Saxe, soit empoisonnée par sa rivale, Marie-Charlotte, fille du prince Sobiesky et petite-fille du roi de Pologne, épouse et veuve au bout de dix jours de Turenne et remariée avec son beau-frère Charles Godefroy duc de Bouillon qui, malgré sa naissance, était de ces gourgandines qui avaient de l’ambition.
Toutefois, cette dernière thèse ne fut jamais vraiment fondée (pas de trace de poison lors de l’autopsie) et, jusqu’à son lit de mort, la duchesse de Bouillon protesta de son innocence. Voltaire, Fontenelle, le chirurgien Fayet et Maurice de Saxe étaient présents lorsqu’Adrienne expira. Voltaire lui ferma les yeux.
Adrienne morte, des faits odieux se passèrent autour de son cadavre. La valetaille fit main basse sur tout ce qu'on pouvait prendre. Le curé de Saint-Sulpice, Siméon Bouret, arrivé lorsque son ministère n'était plus nécessaire, se refusa à rendre les honneurs funèbres, arguant que la défunte n'a pas fait acte de repentir des scandales de sa profession; bien plus: il s'opposa à ce qu'elle soit inhumée parmi les fidèles, bien qu'elle eût témoigné l'extrême désir de recevoir les derniers sacrements et qu'elle fût morte dans le temps qu'on avait envoyé chercher un prêtre. D'où l'obligation de donner des ordres pour faire enlever le cadavre la nuit, afin de l'enterrer n'importe où, mais sans scandale.Voltaire nous a laissé le procès-verbal de cette hideuse opération.. Dans une Epître à Falkener, après avoir rappelé les honneurs pompeux rendus à deux actrices anglaises, il ajoute:
"...Que l'aimable Lecouvreur
A qui j'ai fermé les paupières
N'a pas eu même la faveur
De deux cierges et d'une bière,
Et que Monsieur de Laubinière
Porta la nuit par charité,
Ce corps autrefois si vanté
Dans un vieux fiacre empaqueté,
Vers les bords de notre rivière".
Pas de tombe décente pour Adrienne. A minuit, son corps fut descendu dans un fiacre par des portefaix puis, accompagné de Laubinière et d'une escouade du guet, transporté dans un terrain vague et déposé dans de la chaux vive, au milieu de chantiers à l’angle des rues de Bourgogne et de Grenelle (7ème ) où fut construit l’hôtel du marquis de Saumery.
A la Comédie, le vendredi qui suivit sa mort, Grandval prononça un éloge funèbre écrit par Voltaire qui fut le seul à protester au sein de la réunion des comédiens. Sa voix resta sans écho.
En 1786, un de ses anciens adorateurs, le comte de Ferriol d’Argental fit sceller une plaque commémorative sous le portail de l’hôtel de Saumery :
« Ici l’on rend hommage à l’actrice admirable
Pur esprit, par le cœur également aimable.
Un talent vrai, sublime en sa simplicité,
L’appelait par nos yeux, à l’immortalité ;
Mais le sensible effort d’une amitié sincère
Put à peine obtenir ce petit coin de terre ;
Et le juste tribut du plus pur sentiment
Honore enfin ce lieu méconnu si longtemps ».
Jusque dans les années 1960, la plaque avait été pieusement respectée. J’ignore si elle existe encore.
Les recherches effectuées en 1797 à la demande des Comédiens-Français furent sans résultat.
Sans sépulture officielle, on ne retrouva jamais son corps. Il se peut que depuis lors, il soit toujours sous le trottoir formant l’angle des rues de Grenelle et de Bourgogne.
Adrienne Lecouvreur fut la première actrice admise à dire des vers dans les salons. Elle fut la réformatrice du costume tragique avant Lekain et Mlle Clairon. Elle nous a laissé des lettres révélant son véritable esprit et son grand coeur. Ses filles épousèrent, l'une le musicien Francoeur, qui devint directeur de l'Opéra, et la seconde un magistrat de Strasbourg.
Sa vie inspira une pièce d’Eugène Scribe : Adrienne Lecouvreur ; Sarah Bernhardt s'identifia à elle, au point de rédiger un mélodrame-fleuve à sa gloire ; Marcel L'Herbier la filma sous les traits d'Yvonne Printemps, etc.