Il venait de remporter un brillant succès en publiant Rolla (1833) quand il s’enflamma pour George Sand. Mais la désillusion fut prompte. Tombé gravement malade à Venise en février 1834, si son amour le soigna avec dévouement, elle le trahit avec son médecin. S’en suivirent une série de réconciliations et de ruptures orageuses où la jalousie nerveuse de notre poète, excitée par l’alcool, joua un rôle dans son œuvre. Sans qu’elle soit directement à l’origine de tous ses chefs-d’œuvre, sa douloureuse passion pour l’écrivaine contribua à mûrir son génie. C’est à cette douleur que nous devons La Confession d’un enfant du siècle (1836), de la poignante sincérité des Nuits (1835-1837), de la Lettre à Lamartine (1836) ou de Souvenir (1841).
Les années 1835-184 furent les plus fécondes de sa carrière.
A trente ans, épuisé par la débauche et l’alcoolisme, menacé par une malformation cardiaque, il publia encore de temps à autre quelques nouvelles et comédies. Il entra à l’Académie française en 1852, mais depuis longtemps son inspiration poétique était tarie. Malgré le soutien de sa sœur, Hermine, le poète déchu mourut dans l’obscurité. Mais par son éloquence, sa chaleur et sa sensibilité, il reste l’un de nos poètes romantiques qui parle le plus directement au cœur. En donnant en toute liberté à son œuvre dramatique la fantaisie, la profondeur ou la justesse d’observation que demandait le public moderne, Musset était en avance sur son temps.
Alfred de Musset fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Le fronton de sa sépulture est décoré d'un médaillon représentant la tête de Minerve, symbole de l'Institut de France. Sous le fronton, un buste en marbre du sculpteur Barre de 1858. Au-dessous du buste, une branche de laurier, une lyre, une palme et une plume.
Sur la face avant, outre les titres de quelques unes de ses oeuvres, sont gravés en forme d'épitaphe les six octosyllabes de son élégie Lucie qui valut la plantation d’un saule derrière sa tombe :
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.
et sur la face arrière, le poème Rappelle-toi :
Rappelle-toi, quand sous la froide terre
Mon coeur brisé pour toujours dormira ;
Rappelle-toi, quand la fleur solitaire
Sur mon tombeau doucement s'ouvrira.
Je ne te verrai plus ; mais mon âme immortelle
Reviendra près de toi comme une soeur fidèle.
Écoute, dans la nuit,
Une voix qui gémit :
Rappelle-toi.