Assagie par l’âge et célèbre, George Sand vécut des jours paisibles dans son cher Berry. Tout en conservant une grande activité intellectuelle, auxquelles la contraignaient aussi ses difficultés financières, par la charité et la bienfaisance, elle mit en pratique son idéal humanitaire auprès des paysans devenant, après sa grand-mère, "la bonne dame de Nohant" . Après une longue souffrance, une occlusion intestinale mit fin à sa vie extraordinaire. Elle était à Nohant.
Les funérailles
Le corps de la défunte fut exposé sur son lit le visage tout couvert de fleurs. Le 10 juin, jour de ses funérailles, une pluie battante se déversa sur l’assemblée nombreuse composée de curieux, des reporters envoyés par le Figaro, et quelques amis parmi lesquels Dumas fils, le prince Napoléon, Renan, Flaubert, Plauchut. Sans être anticléricale, George Sand n’avait guère d’affection pour le bas-clergé et, à ce titre, les parents et les amis de la famille s’attendaient à des obsèques civiles. N’ayant laissé aucune instruction à ce sujet, sa fille, Solange, devenue une fervente catholique, faisant fi des opinions de sa mère, de celle de son frère Maurice et des avis qui les lui rappelaient, avait décidé d’une cérémonie religieuse inattendue. Après d’âpres discutions entre intimes, Solange obtint gain de cause. Restait à obtenir l’autorisation de l’évêque de Bourges qui la donna par dépêche télégraphique.
Sur ces entrefaites, on constata que la bière en plomb envoyée de Paris était trop petite : on dut en faire venir une nouvelle. Enfin le cercueil fut descendu dans le vestibule et exposé une heure durant recouvert d’un drap mortuaire. Le corps fut levé et porté à bras dans la petite église toute proche par des paysans vêtus d’un sarreau bleu. Le convoi entra dans l’église ; mais comme elle était déjà presque remplie, par la population locale, ceux qui suivaient ne purent s’y placer, et refluant au dehors, ils vinrent se mêler aux villageois et à quelques ouvriers tête nue, sous la pluie et le vent.
George Sand souhaitait une sépulture cachée sous le feuillage comme celle de sa grand’mère. Il n’en fut rien. Après le discours du conseiller général de l’Indre, Paul Meurice lit les pages que Victor Hugo avait envoyées : "Je pleure une morte et je salue une immortelle… George Sand était une idée ; elle est hors de la chair, la voilà libre ; elle est morte, la voilà vivante…" . Le prince s’était proposé pour prendre la parole. Dumas, de son côté, avait passé une partie de la nuit à écrire un discours. Mais, pensant qu’entre le clergé et Victor Hugo il n’y avait pas place pour eux, ils se turent.