A titre exceptionnel, un « avertissement » précède cet article.
Travailler sur les lieux de sépulture des personnalités politiques, des membres d’officines (comme la Carlingue) ou d’unités spéciales (telle la Légion nord-africaine) liés à la Collaboration, c’est accepter de s’armer d’une infinie patience à cause du peu d’informations qui existe sur le sujet. Si certains lieux sont parfaitement connus, entre omerta, oubli et discrétion souhaitée par les protagonistes, et/ou leurs familles, l’enquête est parsemée d’embûches pour la grande majorité. Néanmoins, autant grâce à des investigations de fourmi qu’à la chance, malgré des impasses, ma très longue enquête a fini par aboutir à de nombreux dénouements heureux. Si je m’autorise ces précisions c’est tout simplement par défiance des malhonnêtes qui n’hésiteront pas à s’attribuer les "scoops" que j’ai eu tant de mal à trouver. C’est pourquoi, bien que consciente que le pillage ne peut être empêché, chacune de mes découvertes est signalée par la mention "inédit" dans cet article comme dans ceux se rapportant au même sujet.
La Libération de Paris, puis l’armistice avaient mis fin à la guerre. Pour autant, on n’en avait pas terminé, et loin de là, avec la pauvreté et le rationnement de la population parisienne et de sa région. Entre 1944 et 1945, on assista alors à une augmentation de près de 300% de « vols en tout genre ». Fruit de la Libération, les armes circulaient au grand jour et les vols à main armée devinrent monnaie courante. Au premier semestre 1945, les quelque mille trois cents hommes du quai des Orfèvres eurent à traiter soixante-douze mille crimes et délits, pour la plupart commis par de faux résistants, de vrais collaborateurs, ou encore des déserteurs allemands et américains, sans oublier les règlements de compte opérés par de vrais résistants, etc. Pour de l’inédit, c’était vraiment du jamais vu !
Le célèbre gang des Tractions Avant fait un peu figure de mètre étalon du genre. Issue autant de la sinistre Carlingue que de la Résistance, la bande est indissociable de son chef, Pierre Loutrel, dit Pierrot le Fou. Spécialisée dans les attaques à main armée, menées à bord de la fameuse Citroën 15/six, le gang des Tractions Avant commit des braquages dans la région parisienne, sur la Côte d'Azur et en Provence entre février et novembre 1946. Aussi violentes qu'audacieuses, ces opérations se caractérisaient par une préparation minutieuse, une action et un repli rapides et un butin considérable : il s'est élevé en quelques mois à plus de 80 millions de francs 1946, soit l’équivalent de plus de 6,5 millions d'euros. Le gang avait commencé par de multiples braquages de convois de fonds et des camions des PTT, puis avait accentué le mouvement à une fréquence hallucinante. Très vite devenus la priorité de la police, les malfrats échappèrent plusieurs fois aux forces de l’ordre de façon rocambolesque, notamment à Champigny où plus de 350 policiers encerclèrent une auberge dans laquelle se trouvaient deux d’entre eux mais que Loutrel réussit à exfiltrer in extremis au nez et à la barbe de la police.
La bande à Bonnot avait innové en introduisant la voiture dans le crime, grâce à la Traction Avant, celle de Loutrel allait supplanter un temps les forces de police. Modèle mythique de chez Citroën, la tenue de route incomparable pour l’époque de la 15/six en avait fait une voiture très prisée par la Résistance et la Gestapo.