Héritière du duché d’Aquitaine, la mort brutale de son père va précipiter son mariage avec le futur Louis VII, puissant seigneur qui la prenait ainsi sous sa protection. Elle avait tout pour éblouir ce prince. Grande, blonde, les yeux verts, la mort de son frère l’avait faite héritière de l’Aquitaine, duché dont la superficie dépassait de beaucoup celle du domaine des rois capétiens. Ce qui s’annonçait comme l’union du siècle en devint la plus grande catastrophe pour le futur. Femme de tempérament régnant sans partage sur son époux, elle aurait aimé que celui-ci se montrât plus empressé et plus actif au déduit. Insatisfaite, la coquette Aliénor profita de la croisade de 1146 pour trouver consolation dans les bras de Raymond de Guyenne à Antioche. Sommée de poursuivre la croisade jusqu’à Jérusalem aux côtés de Louis, Aliénor refusa, annonça son intention de divorcer puis céda. Une deuxième grossesse vint saluer ce semblant de réconciliation. Hélas c’était une autre fille. S’en était fini. Louis, lassé par les caprices de sa femme et sa déception d’y sacrifier sans obtenir d’héritier mâle, souscrivit au divorce. En mars 1152, un concile, réuni à Beaugency, débarrassait Aliénor de son moine de mari.
Malheureusement pour la France, non seulement elle reprenait sa liberté mais aussi toute l’Aquitaine qu’elle déposa dans sa seconde corbeille de mariage avec Henry Plantagenêt, futur Henry II d’Angleterre. Par cet acte, somme toute banal, sans le savoir, Aliénor venait de celer le destin de la France et de l’Angleterre en les faisant les meilleures ennemies du monde...
Elle avait rencontré Henry Plantagenêt à Paris et n’était pas restée insensible à ses avances. Pour Henry, alors en lutte contre son rival Etienne de Blois, Aliénor lui apporterait le couronnement de ses ambitions. Le 18 mai 1152, huit semaines après l’annulation de son mariage d’avec Louis VII, elle épousait Henry. La mort d'Etienne de Blois ayant réglé définitivement la question de la succession, Henry et Aliénor embarquèrent vers l’Angleterre pour être couronnés. Jusqu’en 1166, après avoir eu de l’ascendant sur son mari, ses huit grossesses la contraignirent à laisser Henry prendre des décisions.
Mais Henry était volage et ses nombreuses infidélités finirent par excéder Aliénor un peu trop retirée du pouvoir à son goût.
L’immensité du domaine royal (Angleterre et Aquitaine) obligea Henry à une réforme dynastique. En 1170, Richard (futur Cœur de Lion) fut proclamé duc d’Aquitaine et Aliénor s’établit à Poitiers pour gouverner le duché en son nom. Elle y créa la fameuse Cour d’amour. La même année, à l’horreur de toute la chrétienté, Thomas Becket, évêque de Cantorbéry et opposant résolu à Henry II, était assassiné dans sa cathédrale.
En 1173, le torchon brûlait déjà entre Aliénor et Henry lorsque celui-ci décida d’offrir plusieurs châteaux à son fils cadet, Jean (futur Jean sans Terre). Fureur de l’aîné qu’Aliénor soutint et encouragea dans une révolte contre son père, révolte dans laquelle elle entraîna ses deux autres fils, Richard et Geoffroy, dans l’espoir de récupérer le pouvoir d’Henry II. Mais la révolte tourna court un an plus tard. Déguisée en homme alors qu’elle fuyait la Touraine, elle fut capturée et emprisonnée. D’un château à un autre, sa captivité dura quinze ans ! Du fond de sa disgrâce, elle savait Henry II fort épris de Rosemonde Clifford et qu’il souhaitait rompre leur mariage. La mort de la favorite et l’opposition du clergé à ce projet lui évita de perdre son titre et sa couronne. A défaut de la libérer, à la demande de sa fille Mathilde, Henry adoucit sa captivité.
Il lui fallut attendre la mort d’Henry II et l’accession au trône de Richard pour être enfin libérée.
A bientôt soixante-dix ans, s’occuper de ce fils préféré lui prenait tout son temps : gouverner, aller à Chypre le marier et en revenir à brides abattues pour empêcher Jean sans Terre de le trahir, courir encore pour réunir la rançon exorbitante qu’exigeait l’empereur germanique Henri VI pour le libérer.
Retirée à Fontevraud dont elle fut une grande bienfaitrice, cloîtrée dans sa solitude, les évènements politiques et la diplomatie l’en extirpèrent avant qu’elle puisse enfin y attendre sa fin. On était en 1202.
Témoin du triomphe de Richard puis d’une Angleterre qui perdait sa gloire d’antan à cause de son fils Jean sa vie avait été si tumultueuse, si extraordinaire. Elle était déjà octogénaire. Il était temps de quitter ce monde. Les tombeaux de son mari, de son fils Richard et de sa fille Jeanne étaient là tous les jours devant elle. A priori, elle serait morte à Poitiers. Vêtue de son habit de moniale, Aliénor fut inhumée dans l'église abbatiale de Fontevraud dans un tombeau sans ostentation. Mais au 17ème siècle, l'abbesse Jeane-Baptiste de Bourbon fit regrouper les tombeaux des Plantagenêts en un imposant mausolée : le Cimetière des Rois. Lors de la Révolution, sa sépulture fut profanée et ses ossements, éparpillés, ne furent jamais retrouvés.
Son gisant, de pierre polychrome et datant du 13ème siècle, est aujourd'hui exposé dans la nef de l'abbatiale. Il montre Aliénor tenant un livre, rappelant ainsi que la princesse était cultivée.