La légende, véhiculée par Robin des Bois, a, pour une fois, brossé un portrait pas si éloigné de la réalité de ce personnage au tempérament cyclothymique qui détermina son activité pour souvent le pire. Nonobstant le trait forcé postérieur à son règne et un échantillonnage de bonne administration, la réhabilitation de Jean semble difficile. On a beau tenter de le dédouaner de ses manœuvres pour usurper le trône de Richard Ier quand celui-ci était prisonnier de l’empereur Henri VI, Jean rêvait de prendre le pouvoir.
Quoiqu’il soit, ses frères aînés étant morts, il obtint de Richard d’être désigné comme son successeur. C’était gommer l’existence d’un autre héritier présomptif, son jeune neveu, Arthur Ier de Bretagne, fils de feu son frère Geoffroy dont la descendance avait priorité sur Jean. Soutenu par Philippe Auguste, Arthur entra en conflit avec son oncle auprès duquel se rangea…Philippe Auguste dont les intérêts avaient changé de camp. Jean devint le vassal de Philippe pour la Normandie et l’Anjou. Mais les maladresses, les provocations, l’insupportable comportement de Jean attisèrent des haines inextinguibles.
En 1200, tombé amoureux fou Isabelle d'Angoulême alors fiancée à Hugues X de Lusignan, il l’enleva pour l’épouser déclenchant ainsi la colère des nombreux barons français à commencer par Hugues qui s’allia à Arthur Ier de Bretagne. Refusant de se présenter devant Philippe Auguste, le roi de France lui confisqua tous ses fiefs français. La rumeur voulant qu’il ait tué Arthur Ier de Bretagne après l’avoir fait prisonnier et l’emprisonnement de sa nièce, Aliénor de Bretagne lui valurent une réputation d’être impitoyable.
De l’autre côté de la Manche, après avoir réussi à calmer le jeu avec le pape et les barons, Jean décida de reconquérir ses territoires perdus en France. En 1214, la bataille de Bouvines mit un terme à ses prétentions et l’obligea à signer une paix dont les conditions furent irrecevables pour les barons anglais. Et les barons anglais de se révolter et de lui faire signer la Grande Charte qui mettait fin aux abus du pouvoir royal, protégeait les biens et privilèges des barons, comme ceux de l’Eglise, des citoyens de Londres et d’autres villes, et des Gallois.
Puis, sous prétexte d’avoir signé la Charte sous la contrainte, Jean partit en guerre contre ses barons dont une partie offrit le trône d’Angleterre à Louis, fils de Philippe Auguste. Un vrai marasme pour Jean.
Contraint de fuir de façon piteuse, il emprunta une route vers les marécages de la région du Wash, près de la mer du Nord. Encombré et ralenti par ses bagages, dont le trésor royal, il s’enfonça dans les marais avant qu’une marée montante ne le surprenne et n’engloutisse dans les sables mouvants tout ce qu’il transportait.
Choqué, victime de la dysenterie, transporté sur une litière, Jean trouva son dernier refuge au château de Newak où il mourut. La rumeur veut qu’on aida à son trépas en l’empoisonnant.
Sur son lit de mort, il confia son fils Henry, le futur Henry III, à l’un de ses fidèles, William marshal, comte de Pembroke.
La dépouille mortelle de Jean, premier roi Plantagenêt à être enseveli en terre anglaise, fut escortée par une troupe de mercenaires jusque la cathédrale de Worcester. Elle fut inhumée auprès des reliques de son saint préféré, saint Wulfstan. En 1232, Henry III commanda son tombeau dans lequel il repose toujours.
En 1797, lors de l’exhumation de son corps, on trouva un squelette vêtu d’une robe damassée, portant des gants et une épée entre les mains.
Ainsi disparut ce monarque qui porta haut l’art de se faire haïr et mépriser par son peuple et ses vassaux. Après un règne désastreux, il laissait un royaume empêtré dans l’anarchie et la guerre civile.