En 1914, contre l’avis familial et bien que deux fois réformé pour raison de santé, il s'engagea en se faisant appuyer par Clemenceau , son patron au journal L'Homme libre. Il n’était pas animé par l’ardeur combattante d’un Péguy, mais par la volonté de ne pas laisser défendre le pays seulement par les autres.
Au front, comme dérivatif pour garder le moral, il prenait des notes pour ce qui deviendra Les Croix de bois. Cette fichue guerre transforma le journaliste à la plume légère en romancier. Marqué à jamais par la violence et l’indifférence de ceux de l’arrière, pendant et après le conflit, Les Croix de bois demeure un témoignage poignant de son expérience. Publié en 1919, si le roman manqua de peu le Prix Goncourt, la publicité en fut assurée.
Vint l’heure du désenchantement pour cet idéaliste. Lui qui espérait tant que cette guerre serait "la der des der", voyait le monde évoluer comme si les tranchées de Verdun n’avaient jamais existé. Ainsi, en 1923, lorsque son Réveil des morts sortit presque en même temps que Le Diable au corps de Raymond Radiguet et sur un thème similaire, Dorgelès écrivit à Radiguet son regret qu’il ait privilégié l’exercice de style aux qualités de cœur.
La même année, il épousa Hania Routchine, une artiste lyrique qui partageait sa soif de voyage. Un séjour en Indochine lui inspira Sur la route mandarine. En 1929, il succéda à Georges Courteline à l'Académie Goncourt. 1932, l’Afrique du Nord ; 1936 l’URSS et 1939 la Seconde Guerre mondiale. Correspondant de guerre pour le journal Gringoire, l’exode le mena à Cassis puis à Marseille. Sa collaboration avec Gringoire cessa en septembre 1941 quand le ton antisémite s’imposa dans le journal.
Reprenant une expression utilisée dans un reportage sur les armées alliées, Dorgelès est à l’origine de l’expression « Drôle de guerre » pour qualifier la période du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940 pendant laquelle chacun attendait l'offensive en trompant l'ennui.
Jusqu’à la fin de la guerre, Dorgelès se cacha dans différents villages pour échapper à la Gestapo. Entre autres, il demeura à Montsaunès (Haute-Garonne), qui servit de cadre à son roman Carte d'identité (1945).
En 1954, il fut élu président de l'Académie Goncourt, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort.
En 1961, devenu veuf, il épousa Madeleine Moisson qu’il connaissait depuis les années 1930.
L'écrivain resta attaché à des idées parfois passéistes que son histoire avait gravées en lui au burin, comme l’attachement aux colonies. Il fut également une figure emblématique des Anciens combattants, dont il assura la présidence non pour glorifier la guerre, mais pour garder la mémoire de ceux qui l’avaient faite malgré eux.
En 1997, cette assosciation créa le prix Roland-Dorgelès décerné à des professionnels de la radio et de la télévision " qui se sont particulièrement distingués dans la défense de la langue française".
Il fut l’auteur de quelques cinquante romans, études et essais, hélas masqués par Les Croix de bois, chef-d’œuvre salué par tous et que l'on retrouve gravé sur sa tombe, comme un ultime hommage aux soldats enterrés à la va-vite le long des chemins du front.
Roland Dorgelès fut inhumé au cimetière Saint-Vincent situé en contrebas de la Butte Montmartre.