Comme c’est beau une légende ! La comptine de notre enfance en parlant du « bon saint Eloi » a laissé supposer qu’il en était de même pour Dagobert. En réalité, on peut trouver à redire sur les méthodes qu’il employa pour asseoir son autorité. Ne dérogeant pas à la tradition familiale, « A tout problème, massacre est bon » aurait pu être sa devise. Après la mort de son frère Caribert, qui lui avait contesté son héritage, il fit supprimer son fils. Toujours dans le but d’éviter toute revendication ultérieure, il est fortement soupçonné d’avoir fait empoisonner une partie de sa famille. Ceci étant réglé, il continua à commettre d’autres exactions. Ainsi fit-il décapiter des ennemis vaincus (Saxons) ou encore égorger des milliers de Bulgares qui lui demandaient asile…
Dagobert, solide Mérovingien, affichait aussi une vie privée un peu relâchée. Il eut plusieurs épouses, des femmes dont on ne sait pas toujours si elles furent épouses ou concubines, plus d’innombrables maîtresses. On le taxe même de polygamie. Le tout étant assorti d’une nuée de rejetons dont la trace est perdue depuis longtemps. Et tout cela aux dépens du clergé qui considérait ce comportement fort peu royal et catholique.
Bref, l’ensemble de son oeuvre nous inclinerait à penser que s’il mettait « sa culotte à l’envers » ce n’était certainement pas sur un ton bonhomme qu’il la renfilait à l’endroit ! Rien de plus normal car il ne connaissait pas la chanson qui, destinée à ridiculiser la royauté, date de la veille de la Révolution. Quant à l’image que nous avons « du bon roi Dagobert », elle provient en grande part des Gesta Dagobertii dont la rédaction date approximativement de l’an 830.
Mais nonobstant cette vision des choses et la brièveté de son règne, dix ans, Dagobert fut un grand homme d’Etat. D’abord, il quitta l’Austrasie pour faire de Paris sa capitale car la ville était mieux centrée dans son royaume que toute autre.
A son actif, il fut attentif aux conseils prodigués par des évêques de qualité comme Didier et Ouen dont l’amitié réciproque apporta son lot de bienfaits au royaume. Mais Dagobert ne serait pas Dagobert sans Eloi.
Toutefois, cette image idyllique de futurs saints entourant de leur sagesse le dissipé Dagobert mérite une précision. Ce n’est pas fortuitement que ces fils de nobles étaient rentrés très jeunes à l’école du palais. Leur présence garantissait aussi la fidélité de leurs pères, surtout si, comme Didier, ils venaient d’Aquitaine, territoire rétif à la domination franque. La chance de Dagobert fut que, devenus adultes, ces personnages lui restèrent fidèles.
Un autre personnage eut aussi son importance, Arnoul (Arnulf), qui fut chargé de l’instruction du jeune prince. Néanmoins, ce ne fut pas dans cette fonction que le personnage prit sa dimension historique.
Bon administrateur et bon politique, son goût du luxe et du beau fut une bénédiction pour le développement des arts, notamment pour la sculpture et l’orfèvrerie.
Quand il mourut, le royaume était unifié et porteur de grandeur. Malheureusement, sa descendance allait être confrontée aux maires du Palais.