Mais marginalisé et discrédité par les Thermidoriens qui lui reprochaient son action sanguinaire à Lyon, sa carrière politique semblait terminer quand, passé aux ordres de Barras, il fut ramené dans les coulisses du pouvoir en s’acquittant de tâches de basse police sous le Directoire, faisant ainsi l’apprentissage de sa future fonction. Après avoir trempé dans le coup d’Etat du 18 fructidor, obtenu une ambassade à Milan d’où il fut rappelé pour conduite indécente, Barras le fit nommer ministre de la Police générale. Barras, qu’il trahit au profit de Bonaparte qui le confirma dans son poste après le coup d’état du 18 brumaire.
Alors commença sa brillante carrière sous son nouveau maître. Ministre de la Police jusqu’en 1802, il organisa une redoutable police politique en multipliant et cloisonnant les services, en payant une foule de mouchards et surtout en constituant des fichiers sur tous y compris Napoléon. Lucien et Jérôme Bonaparte et Talleyrand, son rival de toujours avec lequel il sut aussi comploter, furieux de cet espionnage, obtinrent la suppression de ce ministère qui fut reconstitué en 1804. Sénateur, de nouveau ministre de la Police, fait comte d’Empire (1808), Napoléon, qui connaissait sa redoutable efficacité, découvrit sa force avec la garde nationale lors de la campagne contre l’Autriche où il assura avec brio l’intérim du ministère de l’Intérieur (1809). Tout en lui enlevant ce ministère et en licenciant la garde nationale, il était obligé de le récompenser. Il le créa duc d’Otrante (1809). Révoqué de son ministère de la Police en 1810, pour avoir envoyé un émissaire en Angleterre sans en avertir l’Empereur, il resta sur la touche sous haute surveillance.
Dès l’abdication de Napoléon Ier en avril 1814, il n’hésita pas à se précipiter à Paris pour faire attribuer la lieutenance générale du royaume au comte d’Artois. Ce qui n’empêcha pas l’Empereur déchu de dire par la suite que Fouché fut le seul homme d’Etat qu’il ait eu. D’ailleurs, il eut l’imprudence de le rappeler à ses fonctions durant les Cent-Jours. Sans illusion sur l’avenir de ce maître perdu et retrouvé, Fouché le trahit.
Président du gouvernement provisoire après Waterloo, il négocia avec les puissances alliées et soutint les Bourbons contre Napoléon II et redevint ministre de la Police sous Louis XVIII ! Néanmoins, ce dernier ne pouvait tolérer longtemps un régicide et ancien terroriste à une fonction essentielle. Nommé ambassadeur à Dresde, frappé par la loi des régicides de 1816, Fouché fut condamné à l’exil. Installé à Trieste, bien que soumis à la surveillance tatillonne des sbires de Metternich, il y vécut paisiblement avec sa seconde épouse, Gabrielle-Ernestine de Castellane, et ses enfants nés du premier lit.
Les cheveux blancs, faisant plus vieux que son âge, impotent, le corps décharné et déformé par des rhumatismes qui le faisaient terriblement souffrir, Fouché attrapa froid lors d’une ultime promenade.
Dix jours plus tard, après avoir fait brûler sous ses yeux des dossiers et s’être réconcilié avec Dieu en acceptant l’extrême-onction, il expira emportant avec lui bien des secrets.
A cause de son corps déformé, on eut beau insister pour l’étendre dans un cercueil, ce fut en vain. On le plaça alors « assis » dans une sorte de coffre ayant la forme d’une baignoire-sabot.
Le 28 décembre, sous une effroyable tempête de neige, le curieux cercueil fut transporté vers la cathédrale San Giusto où un caveau avait été préparé, non dans l’église même – son passé d’iconoclaste l’interdisait- mais sous la partie pavée du parvis où se trouvent plusieurs caveaux.